Qu’en est-il de ceux qui abandonnent la foi ? Thomas Schreiner


J’ai soutenu jusqu’ici que les avertissements du Nouveau Testament s’adressent aux croyants et qu’ils menacent d’un jugement ultime. En même temps, tous ceux qui appartiennent à Dieu et qui sont appelés par sa grâce écouteront les avertissements. Celui qui les a appelés à la foi les fortifiera afin qu’ils n’abandonnent pas la foi. La promesse de Dieu pour leur protection spirituelle n’annule pas l’importance de la responsabilité humaine. Le chrétien est appelé à persévérer dans la foi jusqu’à la fin. La dynamique à l’œuvre ici est similaire à l’appel initial à la foi. D’un côté, Dieu choisit les siens et leur accorde la grâce : la foi est donc un don de Dieu. De l’autre côté, les êtres humains sont appelés à croire et à placer leur confiance dans l’Évangile. L’élection de grâce de Dieu n’annule pas l’obligation de croire pour être sauvé. De même, la responsabilité de croire ne conduit pas à la conclusion que l’élection divine est une plaisanterie. Je maintiens que les avertissements fonctionnent de la même manière que l’appel initial à la foi. Dieu promet de préserver les siens jusqu’à la fin. Mais cette promesse ne signifie pas que la persévérance est une option, tout comme la foi n’est pas une option pour obtenir le salut.

Les avertissements sont prospectifs

Donc, si l’analyse de ce livre est correcte, qu’en est-il de ceux qui abandonnent la foi, surtout si cela ne peut concerner les élus ? C’est précisément là qu’il faut garder en tête la fonction des avertissements. Ils sont prospectifs et ils exhortent les chrétiens à continuer de s’attacher à Christ, afin de ne pas se tourner vers les idoles (1Jn 5.21). Les avertissements n’ont pas été écrits comme une réflexion rétrospective sur le statut de ceux qui sont déjà tombés. Ce sont des instructions criées aux coureurs pendant la course, des ordres donnés aux soldats au milieu de la bataille. Ce ne sont pas des réflexions de salon sur ceux qui ont déserté pendant le combat. Étant donné la fonction de ces avertissements, nous ne sommes pas surpris d’apprendre que certaines questions souvent posées sur ces passages ne trouvent pas de réponse dans les avertissements eux-mêmes.

Ils n’ont jamais été vraiment chrétiens..

Néanmoins, certains passages du Nouveau Testament évoquent ceux qui sont tombés, ceux qui n’ont pas persévéré jusqu’à la fin. La première épître de Jean veut rassurer ceux qui ne sont pas tombés, afin qu’ils sachent qu’ils ont la vie éternelle (1Jn 5.13). Jean les exhorte à rester fidèles à l’enseignement reçu. L’exhortation est donnée parce que certains ont quitté l’Église et ont probablement formé une nouvelle communauté. L’enseignement hérétique qui y est dispensé n’est pas extérieur à l’Église, il provient de gens qui étaient membres de l’Église avant de quitter la communauté. Comment Jean évalue-t-il ces anciens membres ? Ont-ils perdu leur salut ? Dans 1 Jean 2.19, la réponse est très claire : « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas des nôtres, car s’ils avaient été des nôtres, ils seraient restés avec nous. Mais cela est arrivé afin qu’il soit bien clair que tous ne sont pas des nôtres. » Ceux qui sont tombés n’ont jamais été vraiment chrétiens. Ils ne sont pas « des nôtres[i] ». La persévérance est la marque de l’authenticité et ceux qui ne persévèrent pas démontrent qu’ils ne font pas vraiment partie du peuple de Dieu. Voici l’aperçu rétrospectif qui manque aux avertissements[ii]. Aucun élu véritable n’abandonnera la foi, et ceux qui agissent ainsi révèlent qu’ils n’ont jamais été vraiment sauvés.

Cette perspective ne se limite pas à 1 Jean. Ainsi Jésus parle des œuvres remarquables qui semblent être réservées aux chrétiens, et pourtant il souligne que, parmi ceux qui font de telles œuvres, certains ne recevront pas la vie éternelle.

Ceux qui me disent : ‘Seigneur, Seigneur !’ n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement celui qui fait la volonté de mon Père céleste. Beaucoup me diront ce jour-là : ‘Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en ton nom ? N’avons-nous pas chassé des démons en ton nom ? N’avons-nous pas fait beaucoup de miracles en ton nom ?’ Alors je leur dirai ouvertement : ‘Je ne vous ai jamais connus. Éloignez-vous de moi, vous qui commettez le mal !

Matthieu 7.21-23

et les œuvres ? et s’ils confessent Jésus ?

Prophétiser au nom de Jésus, chasser des démons en son nom et faire des miracles spectaculaires ne garantissent pas la vie éternelle. En effet, « beaucoup » accompliront de telles œuvres et seront quand même destinés à la perdition. Cependant, ils confessent Jésus comme « Seigneur, Seigneur ». Nous pourrions donc conclure qu’ils ont abandonné la foi, puisqu’ils semblent être membres de l’Église. Mais le texte exclut cette interprétation. Jésus dit : « Je ne vous ai jamais connus. » Le passage ne dit pas : « Je vous avais connu à un moment mais maintenant, je vous rejette. » Non, ils n’ont jamais fait vraiment partie du peuple de Dieu. Ils paraissaient chrétiens mais ne l’étaient pas vraiment. Seuls ceux qui sont pauvres en esprit (Mt 5.3) et qui font la volonté de Dieu (Mt 7.21) sont des chrétiens authentiques.

L’apostasie

Deux autres exemples, dans les écrits de Paul, font état de ceux qui se sont égarés loin de la foi. À Éphèse, Hyménée et Philète ont introduit des enseignements déviants, en disant que la résurrection avait déjà eu lieu (2Tm 2.17-18). Ils ont ainsi « ébranlé la foi de certains » (2Tm 2.18). Le mot « ébranler » (anatrepo) traduit le renversement de la foi de certains dans l’Église locale. Ce même verbe est utilisé quand Jésus « renversa [les] tables » des changeurs de monnaie dans Jean 2.15. Certains ont abandonné la foi sous l’influence d’Hyménée et de Philète. Il semble, au premier abord, qu’ils aient fait acte d’apostasie. Mais Paul ajoute immédiatement : « Cependant, les solides fondations posées par Dieu subsistent, porteuses de cette inscription : Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent et : Tout homme qui prononce le nom du Seigneur, qu’il se détourne du mal » (2Tm 2.19). Dire que les fondations posées par Dieu subsistent signifie que ceux qui font vraiment partie de sa maison ne la quitteront jamais. Cela semble être confirmé en Nombres 16.5, qui dit que le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent vraiment[iii]. Paul fait ici allusion à l’apostasie de Koré, Dathan et Abiram. Leur rébellion démontre qu’ils n’appartenaient pas vraiment au Seigneur. De même, ceux qui font vraiment partie de la maisonnée de Dieu ne seront pas influencés par de faux enseignements. La fondation de la maison reste inébranlable. L’apostasie se produit donc parfois parmi ceux qui sont dans l’Église, mais ceux qui abandonnent la foi révèlent qu’ils n’ont jamais réellement appartenu à Dieu ; ils n’étaient pas de sa maison. Ainsi, l’apostasie est phénoménologique. En d’autres termes, ceux qui ont seulement l’apparence de vrais croyants abandonneront la foi, mais aucun vrai chrétien ne tombera.

Le rôle des divisions

1 Corinthiens 11.19 va dans le même sens. Paul remarque : « Il faut bien en effet qu’il y ait aussi des divisions parmi vous, afin que l’on puisse reconnaître ceux qui sont approuvés de Dieu au milieu de vous. » Paul réprimande les Corinthiens pour leur comportement égoïste pendant le repas du Seigneur (1Co 11.17-34), où les riches mangent à leur faim et s’enivrent même, alors que les pauvres n’ont rien à manger. Paul s’étonne d’un tel comportement pendant un repas qui se termine par la célébration de la mort du Seigneur. Néanmoins, ces divisions sont utiles car elles mettent en lumière ceux qui sont approuvés de Dieu. Le mot « approuvé » (dokimos) désigne les chrétiens authentiques (voir 2Co 10.18 ; 13.7 ; 2Tm 2.15)[iv]. Chez Paul, le mot « désapprouvé » désigne normalement des non-croyants (Rm 1.28 ; 1Co 9.27 ; 2Co 13.5-7 ; 2Tm 3.8 ; Tt 1.16 ; voir aussi Hé 6.8). La division parmi les Corinthiens révèle donc qui sont les vrais croyants. Autrement dit, certains de ceux qui se disent chrétiens ne le sont pas. Là encore, Paul ne dit pas que certains ont perdu leur salut. Les divisions dans l’assemblée révèlent ceux qui ont une foi authentique.

Quand nous regardons les avertissements contenus dans le Nouveau Testament, nous voyons qu’ils s’adressent aux croyants et qu’ils sont prospectifs et non rétrospectifs. Les auteurs du Nouveau Testament ne les formulent pas pour ceux qui ont seulement l’apparence de la foi ou qui sont de faux croyants. Les chrétiens obtiennent le salut eschatologique parce qu’ils continuent de croire jusqu’à la fin et qu’ils écoutent les avertissements qui leur sont donnés. Les exhortations ne visent pas à provoquer une introspection et à pousser les lecteurs à douter de leur salut. Comme le dit Cockerill : « Ces mises en garde n’ont pas été données afin qu’on se pose constamment la question “Ai-je commis l’apostasie?”[v] » Non, leur but est que l’on continue à croire. Autrement dit, les avertissements n’éteignent pas notre assurance, mais sont un des moyens que le Seigneur utilise pour la fortifier[vi]. Quand les parents préviennent un enfant de ne pas courir dans la rue, l’enfant n’est pas censé se demander : « Je me demande si je suis encore vivant. » La mise en garde est là pour préserver la vie de l’enfant, non pour remettre en question le fait qu’il soit vivant. Ces passages sont trop souvent mal compris et interprétés comme une remise en question de la foi. D’après mon expérience, beaucoup de chrétiens lisent ces passages ainsi et tombent par erreur dans une introspection profonde. Jonathan Edwards partage sa sagesse sur cette question :

L’action et non l’introspection

C’est l’intention de Dieu que l’homme gagne de l’assurance en mettant à mort la corruption, en grandissant dans la grâce et en la pratiquant d’une façon vivante. Et même si un examen de soi peut être très utile, important et ne doit pas être négligé, ce n’est pas le principal moyen par lequel les saints obtiennent l’assurance de leur salut. L’assurance ne s’obtient pas tant par l’introspection que par l’action. C’est ainsi que l’apôtre Paul a cherché son assurance, en « oubliant ce qui est derrière et [se] portant vers ce qui est devant, [il] cour[t] vers le but pour remporter le prix de l’appel céleste de Dieu en Jésus-Christ… pour parvenir, d’une manière ou d’une autre, à la résurrection des morts ». Et c’est principalement par ce moyen qu’il a obtenu l’assurance : « Moi donc, je cours, mais pas comme à l’aventure » (1Co 9.26). Il l’a obtenue, moins par l’analyse que par la course. Le rythme de sa course l’a plus assuré de la victoire que la rigueur de son introspection[vii].


[i] Dale Moody a une interprétation erronée de ce texte quand il dit « qu’ils sont sortis du milieu de nous parce qu’ils n’étaient plus de notre nombre » : The Word of Truth: A Summary of Christian Doctrine Based on Biblical Revelation [La Parole de vérité : Un résumé de la doctrine chrétienne basé sur la révélation biblique], Grand Rapids: Eerdmans, 1981, p. 357. Une telle interprétation n’est pas convaincante, car le mot « plus » (ouketi) ne se trouve pas dans ce verset. Jean dit « ils n’étaient pas (ouk) des nôtres ». Jean n’indique jamais que ceux qui ont quitté l’assemblée étaient d’anciens croyants authentiques.

[ii] Dire que cette vision manque aux avertissements n’est pas en soi une critique de ces passages. Il ne faut pas s’attendre à ce que chaque texte réponde à toutes nos questions.

[iii] (Pour) Mounce, Pastoral Epistles, op. cit., p. 528-529. (Contre) Marshall, qui limite la référence à l’Église (Pastoral Epistles, op. cit., p. 755-756). Il y a une référence à l’Église, pourvu qu’on distingue entre les élus et ceux qui abandonnent la foi, et que l’on prouve qu’ils n’ont jamais été élus, ni été de vrais chrétiens. Voir Knight III George W., The Pastoral Epistles [Les épîtres pastorales], NIGTC, Grand Rapids: Eerdmans, 1992, p. 415-416.

[iv] Les divisions dans l’Église révéleront qui appartient vraiment au Christ (voir Fee, First Corinthians, op. cit., p. 538-539 ; Hays, First Corinthians, op. cit., p. 195 ; Thiselton Anthony C., The First Epistle to the Corinthians [La première épître aux Corinthiens], NIGTC, Grand Rapids: Eerdmans, 2000, p. 858-859. (Contre) Garland David E., qui voit les « approuvés » comme des membres d’élite de la communauté au niveau sociologique : 1 Corinthians [1 Corinthiens], BECNT, Grand Rapids: Baker, 2003, p. 538-539.

[v] « A Wesleyan Arminian View », op. cit., p. 291.

[vi] Robert N. Wilkin ne le comprend pas et il maintient donc que Caneday et moi-même enseignons qu’un croyant ne peut pas avoir l’assurance du salut avant la mort : « Striving for the Prize of Eternal Salvation : A Review of Schreiner and Caneday’s The Race Set Before Us » [Courir pour remporter le prix du salut éternel : Une critique de l’œuvre de Schreiner et Caneday La course qui nous est proposée], Journal of the Grace Evangelical Society, printemps 2002, p. 7. En fait, nous enseignons exactement le contraire.

[vii] Edwards Jonathan, The Religious Affections [Les affections religieuses], Carlisle: Banner of Truth, 1986, p. 123.


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Auteur de l’article : Éditions Clé

Éditions Clé

1 commentaire sur “Qu’en est-il de ceux qui abandonnent la foi ? Thomas Schreiner

    Gross

    (06/02/2023 - 16:24)

    Bonjour,je trouve que l’article cité plus haut sur l’abandon de la foi est assez convaincant,je me posais justement la question de savoir que voulais vraiment dire apostasie si elle pouvait concerné les croyants né de nouveau. J’ai un ami qui ne va plus a l’église depuis quelques années,mais il demeure dans la foi en Jésus,il a été déçu non de l’église,c’est qu’il ne se trouvait pas digne de son ministère il a donc pris la décision de rester à l’écart,j’ai tout essayé mais il ne se trouve plus a sa place et même si de temps en temps il veut y revenir il ne sait où aller, qu’est ce que vous en pensez ? Merci

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