Nous reproduisons ici un extrait du livre Les idoles du cœur de Timothy Keller.
L’identification des idoles
Je ne vous demande pas si vous avez ou non des dieux rivaux. Je pense que nous en avons tous ; ils se cachent au plus profond de chacun de nous. Mais que pouvons-nous faire ? Comment pouvons-nous devenir de plus en plus clairvoyants, au lieu de leur être asservis ? Comment nous libérer de nos idoles afin de prendre des décisions sages et bonnes, pour nous-mêmes et ceux qui nous entourent ? De quelle façon identifier nos idoles ?
Voici une liste succincte des catégories d’idoles. Elle peut nous aider à mieux voir la vaste portée de l’idolâtrie afin de mieux reconnaître les nôtres :
- Idoles théologiques – des erreurs doctrinales qui produisent des images tellement erronées du vrai Dieu que nous finissons par adorer un faux dieu.
- Idoles sexuelles – des dépendances à la pornographie, au fétichisme ou à des pratiques qui semblent prometteuses mais qui ne livrent pas un sens d’intimité et d’acceptation ; des exigences quant à la beauté physique envers soi-même et/ou son partenaire ; un idéalisme romantique.
- Idoles de la magie/des rites – la sorcellerie et l’occultisme. Toute idolâtrie est, finalement, une forme de magie qui cherche à se rebeller contre l’ordre de la réalité transcendantale au lieu de se soumettre à Dieu dans l’amour et la sagesse.
- Idoles politiques/économiques – des idéologies de gauche, de droite et anarchistes, qui transforment un aspect de l’ordre politique en absolu et font de lui la solution. Par exemple, le fait de s’opposer au marché libre ou de le diaboliser.
- Idoles raciales/nationales – le racisme, le militarisme, le nationalisme ou une fierté ethnique qui devient amère ou oppressive.
- Idoles relationnelles – des systèmes familiaux dysfonctionnels de co-dépendance ; des « attractions fatales » ; le fait de vivre à travers ses enfants.
- Idoles religieuses – le moralisme et le légalisme ; l’idolâtrie du succès dans le ministère et des dons spirituels ; la religion comme prétexte pour des abus de pouvoir.
- Idoles philosophiques – des systèmes de pensée qui font d’une chose créée le problème central de la vie (au lieu du péché), et d’une autre chose (un produit ou une entreprise humaine) la solution à nos problèmes (au lieu de la grâce de Dieu).
- Idoles culturelles – l’individualisme radical, comme nous le voyons dans le monde occidental. Qui fait du bonheur individuel une idole, aux dépens de la communauté ; des cultures « de la honte » qui font de la famille ou du clan une idole, aux dépens des droits de l’individu.
- Idoles profondes – des motivations et des tempéraments qui deviennent des absolus :
- l’idole-pouvoir : « la vie n’a de sens/je n’ai de valeur que si – j’ai du pouvoir et de l’influence sur les autres ».
- l’idole-approbation : « la vie n’a de sens/je n’ai de valeur que si – je suis aimé et respecté par un tel ».
- l’idole-confort : « la vie n’a de sens/je n’ai de valeur que si – j’ai ce genre d’expérience plaisante, ou une qualité de vie particulière ».
- l’idole-contrôle : « la vie n’a de sens/je n’ai de valeur que si – je suis maître de ma vie dans tel ou tel domaine ».
Quel est le sujet qui occupe vos rêveries ?
Une première méthode consiste à examiner notre imagination. L’archevêque William Temple aurait dit : « Votre religion est définie par ce que vous faites de votre solitude. ». Vers quoi se tournent sans effort vos pensées, lorsque rien d’autre ne requiert votre attention? Voici le vrai dieu de votre cœur. Quel est le sujet qui occupe agréablement vos rêveries ? Lorsque vos pensées vagabondent, quelles sont les idées qui remplissent votre esprit ? Est-ce que vous élaborez des scénarios potentiels autour de votre avancement professionnel ? Ou des biens matériels, comme la maison de vos rêves ? Ou une relation romantique avec une personne particulière ? Rêver ainsi de temps en temps n’est pas un diagnostic d’idolâtrie. Posez-vous plutôt la question: « À quoi ai-je l’habitude de penser pour retrouver la joie et le réconfort dans l’intimité de mon cœur ? »
Comment dépensez-vous votre argent ?
Un autre moyen pour discerner le véritable amour de votre cœur est de regarder comment vous dépensez votre argent. Jésus a dit : « Car là où est ton trésor, là sera aussi ton cœur » (Matthieu 6.21). Votre argent coule sans effort vers le plus grand amour de votre cœur. En fait, une marque d’une idole est que vous lui consacrez trop d’argent. Vous êtes toujours obligé de vous restreindre. L’apôtre Paul a écrit, si Dieu et sa grâce sont l’objet de votre amour, vous donnerez votre argent pour le ministère, les œuvres charitables et les pauvres, et vous donnerez en abondance. (2 Corinthiens 8.7-9). Mais la plupart d’entre nous préférons dépenser sans compter pour des vêtements, les enfants, ou pour des achats de prestige comme une maison ou une voiture. Nos façons de dépenser révèlent nos idoles.
Pour qui ou pour quoi vivez-vous vraiment ?
Une troisième manière de discerner des idoles est particulièrement adaptée à ceux qui professent la foi en Dieu. Vous allez peut-être régulièrement dans un lieu de culte. Vous avez une connaissance approfondie des doctrines. Peut-être faites-vous tous vos efforts pour croire en Dieu et lui obéir. Mais quelle est la source quotidienne réelle de votre salut ? Pour qui ou pour quoi vivez-vous vraiment ? Qui est votre dieu, pas celui que vous proclamez mais le vrai ?
Un bon moyen pour trouver la réponse à ces questions est d’observer votre réaction aux prières non exaucées et aux attentes non réalisées. Lorsque vous demandez quelque chose que vous ne recevez pas, si vous êtes triste et déçu, mais continuez à vous battre (la vie n’est pas finie !), alors cette chose n’est pas votre maître. Mais si vous êtes rempli d’une colère explosive ou d’un désespoir profond, alors vous avez démasqué votre vrai dieu. Comme Jonas, vous êtes assez en colère pour désirer la mort.
Quelles sont les émotions qui vous contrôlent ?
Voici un dernier test, valable pour tout le monde. Observez vos émotions les plus incontrôlables. Tout comme le pêcheur sait chercher les poissons là où l’eau bouge. Vous pouvez chercher vos idoles au fond de vos émotions les plus douloureuses, surtout celles qui ne semblent jamais vraiment vous quitter et qui vous poussent à faire des choses que vous savez être mauvaises. Si vous êtes en colère, posez-vous la question: « Y a-t-il quelque chose ici qui revête trop d’importance pour moi ? Quelque chose que je doive avoir, quel qu’en soit le coût ? » Faites de même avec vos peurs, votre désespoir et votre culpabilité.
Posez-vous la question : « Suis-je aussi effrayé(e) car je sens une menace sur une chose que je perçois comme absolument nécessaire ? Alors qu’en fait, elle ne l’est pas ? Est-ce que je me dévalorise parce j’ai perdu ou échoué dans un domaine que je considère comme nécessaire ? Mais qui ne l’est pas ? ». Vous avez tendance à trop travailler, vous soumettant à un emploi du temps écrasant ? Posez-vous la question: « Est-ce que je pense que je dois faire ça pour être comblé(e) et me sentir important(e) ? ». Quand vous vous posez de telles questions, et que vous « arrachez vos émotions à la racine », vous verrez souvent que vos idoles y sont accrochées. David Powlison écrit :
La question fondamentale que Dieu pose à chaque cœur : « Est-ce que quelque chose ou quelqu’un, à part Jésus le Christ, règne sur votre cœur, votre confiance, vos préoccupations, votre fidélité, votre service, vos craintes et vos joies ? » Certaines questions … font remonter les systèmes idolâtres des gens à la surface. « Vers qui, ou vers quoi, regardez-vous pour trouver la stabilité, la sécurité et l’approbation qui vous maintiennent en vie ? … Que voulez-vous, qu’attendez-vous vraiment [de la vie] ? Qu’est-ce qui vous rendrait [vraiment] heureux ? Qu’est-ce qui ferait de vous une personne acceptable ? Où cherchez-vous le pouvoir et le succès ? » Ces questions ou d’autres similaires nous aident à savoir si nous servons Dieu ou des idoles, si la source de notre salut est Jésus-Christ, ou si nous le cherchons dans un faux sauveur
Powlison David, « Idols of the Heart and Vanity Fair » [Les idoles du cœur et la vanité], The Journal of Biblical Counseling [Le journal de la relation d’aide chrétienne], volume 13, n° 2, hiver 1995 (version française du livre est disponible chez Publications Chrétiennes)
Remplacer les idoles
Lorsque Paul a écrit aux Colossiens, il les a exhortés à « faire mourir » les mauvais désirs de leurs cœurs. Y compris « la soif de posséder — qui est une idolâtrie » (Colossiens 3.5). Comment ? Paul l’explique dans les versets précédents :
Mais vous êtes aussi ressuscités avec le Christ : recherchez donc les réalités d’en haut, là où se trouve le Christ, qui « siège à la droite de Dieu ». De toute votre pensée, tendez vers les réalités d’en haut, et non vers celles qui appartiennent à la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Le jour où le Christ apparaîtra, lui qui est votre vie, alors vous paraîtrez, vous aussi, avec lui, en partageant sa gloire. Faites donc mourir tout ce qui, dans votre vie, appartient à la terre, c’est-à-dire : l’inconduite, l’impureté, les passions incontrôlées, les désirs mauvais et la soif de posséder —qui est une idolâtrie (Colossiens 3.1-5).
L’idolâtrie n’est pas simplement un refus d’obéir à Dieu, c’est une fixation du cœur entier sur autre chose que Dieu. On ne peut y remédier par la seule repentance, ou par la volonté de vivre autrement. Le fait de nous détourner de nos idoles n’est pas moins que cela, mais bien plus. « Tendre vers les réalités d’en haut, de toute votre pensée, là où votre vie est cachée avec le Christ en Dieu ». Signifie que vous vous reposez sur ce que Jésus a fait pour vous, que vous l’appréciez et que vous vous en réjouissez. Cela comprend une adoration joyeuse, des prières se souciant de Dieu. Jésus doit devenir plus beau à votre imagination, plus attirant à votre cœur que vos idoles. Voici ce qui remplacera vos faux dieux. Si vous arrachez l’idole sans « planter » l’amour du Christ à sa place, l’idole repoussera.
La réjouissance et la repentance
La réjouissance et la repentance vont de pair. Une repentance sans joie conduit au désespoir. Une réjouissance sans repentance est superficielle et conduit à une motivation passagère sans changement profond. En effet, c’est lorsque nous nous réjouissons le plus de l’amour sacrificiel de Jésus pour nous que, paradoxalement, nous sommes le plus convaincus de notre péché. Quand notre repentance est motivée par la peur des conséquences, nous ne sommes pas vraiment désolés pour notre péché, mais pour nous-mêmes. Une repentance basée sur la crainte (« Je dois changer ou Dieu va m’attraper ») est en réalité de l’apitoiement sur soi. Dans ce genre de repentance, nous n’apprenons pas à haïr le péché pour ce qu’il est, et il ne perd pas son pouvoir d’attraction.
Nous apprenons seulement à nous en abstenir pour notre propre bien-être. Mais lorsque nous nous réjouissons de l’amour de Dieu qui se sacrifie et souffre pour nous, en réalisant combien notre salut lui a coûté, nous apprenons à haïr le péché pour ce qu’il est. Nous voyons ce qu’il a coûté à Dieu. Ce qui nous assure le plus de l’amour inconditionnel de Dieu (le prix inconcevable de la mort de Jésus) est aussi ce qui nous convainc le plus de l’horreur du péché. La repentance motivée par la crainte nous apprend à nous détester. La repentance motivée par la joie nous apprend à détester le péché.
Il est essentiel de trouver notre joie en Christ parce que la plupart des idoles sont presque toujours de bonnes choses. Si notre travail et notre famille sont devenus des idoles, la réponse n’est pas d’arrêter d’aimer notre travail et notre famille mais d’aimer plus le Christ afin de ne plus être esclaves de nos attachements. Bibliquement « se réjouir » est bien plus que d’être simplement heureux à propos de quelque chose.
Paul nous dit : « Réjouissez-vous en tout temps » (Philippiens 4.4). Ce qui ne signifie pas : « sentez-vous toujours heureux », parce que nul ne saurait commander à autrui une émotion particulière. Se réjouir signifie tenir quelque chose comme un trésor, réaliser sa valeur, se laisser imprégner de sa beauté et de son importance jusqu’à ce que votre cœur y demeure et goûte à sa douceur. « Se réjouir » est un moyen d’adorer Dieu jusqu’à ce que le cœur soit apaisé, reposé, et puisse lâcher prise sur quoi que ce soit d’autre qu’il pense être important.
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