Les contrefaçons de la repentance. Extrait du livre « Le pardon » de Timothy KELLER aux Éditions Clé


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Vraie et fausse culpabilité

Il existe deux catégories de coupables. Certains devraient se sentir coupables de leurs actes, car certaines choses sont objectivement mauvaises et leurs auteurs sont coupables, indépendamment de leurs croyances et de leurs sentiments à ce sujet. Mais il convient d’identifier un autre groupe de personnes qui éprouvent une culpabilité excessive, qui semble disproportionnée par rapport aux actes commis.

Il existe de vrais et de faux sentiments de culpabilité. Et celui qui « ne peut pas se pardonner » doit commencer par établir si sa culpabilité est justifiée ou non.

C’est là que le christianisme apporte une aide précieuse. Le seul moyen de distinguer la vraie culpabilité de la fausse est de disposer d’une norme fiable. Dans l’une des nombreuses critiques de Jésus à l’égard des chefs religieux de l’époque, il dit : « Malheur à vous aussi, professeurs de la loi, parce que vous chargez les hommes de fardeaux difficiles à porter, que vous ne touchez pas vous-mêmes d’un seul doigt » (Luc 11.46 ; cf. Marc 7.11-13). Jésus fait référence ici au « poids excessif des impératifs religieux ajoutés à la loi, qui accablent le peuple […] et les affligent parce qu’ils ne parviennent pas à […] plaire à Dieu[1] ». Jésus montre ici que, si les gens doivent se sentir coupables quand ils violent la loi de Dieu – comme le meurtre, le vol ou l’adultère – ils ne devraient en revanche pas se sentir coupables s’ils ne parviennent à respecter toutes les innombrables règles religieuses, légalistes et d’origine humaine qui ont été ajoutées à cette loi.

La distinction que fait Jésus et son avertissement peuvent également s’appliquer aux membres d’organismes religieux légalistes. Eux aussi peuvent être rongés par une fausse culpabilité, parce que leur culture, leur communauté, leur famille ou eux-mêmes leur imposent des fardeaux irréalistes. Ainsi, la première étape pour aider quelqu’un qui se sent coupable est de lui demander s’il s’agit vraiment d’une violation de la volonté et de la Parole de Dieu[2].

Cependant, il n’est pas toujours facile de faire cette distinction. Dans certaines situations, la vraie et la fausse culpabilité s’entremêlent de façon complexe.

La culpabilité ronge nombre d’entre nous parce que nous avons dit oui à trop de personnes pour constater ensuite que nous n’avons pas assez de temps dans une journée ou une semaine pour tout faire. D’une part, nous devons tenir nos promesses et être fidèles à notre parole (Matthieu 5.37, Proverbes 11.3 ; 20.25). Mais ce n’est pas Dieu qui nous a imposé plus que nous ne pouvons faire ; c’est nous-mêmes. Nous ne devons pas nous sentir coupables de ne pas pouvoir faire tout ce que les gens nous demandent. Nous avons seulement le devoir de faire ce que Dieu nous demande dans sa Parole.

Qu’en est-il du conducteur qui, distrait un instant par une blague à la radio, provoque un accident qui fait des blessés graves ? La culpabilité du conducteur sera écrasante. Il n’y a pourtant eu ni faute morale grave ni violation d’une loi ou d’une règle. « Cela aurait pu arriver à n’importe qui », disent très justement les amis du conducteur, mais cela ne l’aide pas. Il est assurément légitime de regretter qu’il n’ait pas conduit plus prudemment et plus lentement, mais, si l’on se fonde sur la Parole de Dieu, sa culpabilité est disproportionnée. Un conseiller devra l’aider à comprendre que, s’il se laisse écraser émotionnellement par cet accident pendant des années, ou pire, il ne fera qu’aggraver le drame. Il doit plutôt rechercher le pardon de Dieu pour son manque de vigilance, puis compter sur le soutien aimant de ceux qui lui rappellent l’amour de Dieu.

Un autre exemple de ce type est la « culpabilité du survivant ». De nombreux soldats qui ont perdu des compagnons d’armes à la guerre ont survécu et sont rentrés chez eux sains et saufs. Mais au lieu de ressentir un sentiment de soulagement et de paix, ils sont envahis par la culpabilité. Pourquoi ont-ils été épargnés ? Cette culpabilité vient, je pense, du fait qu’ils savent qu’ils n’ont pas été plus courageux, plus compétents ou plus méritants que leurs amis décédés, et pourtant, d’une manière ou d’une autre, ils ont l’impression qu’ils auraient dû l’être. Là encore, la seule façon de gérer cette culpabilité compréhensible mais tenace est de se tourner vers la Parole de Dieu. C’est Dieu qui détermine pourquoi, dans son plan, certains tombent malades et meurent dans la vingtaine, ou meurent au combat, alors que d’autres continuent à vivre. Cela ne devrait engendrer aucune forme de culpabilité.

Il est capital de faire la distinction entre le vrai et le faux sentiment de culpabilité. Pourquoi ? Parce que le temps ne peut guérir la vraie culpabilité. Des normes morales absolues sont inscrites dans l’univers, et votre âme, créée à l’image de Dieu, les ressent (Romains 1.18-20 ; 2.14-16). La seule façon de traiter la vraie culpabilité est de la remettre à la grâce et à la miséricorde de Dieu. En revanche, l’effort moral et la prière ne peuvent guérir la fausse culpabilité. Pour y faire face, la seule solution est de la soumettre à la volonté de Dieu et de la comprendre à la lumière de sa Parole.

Remettre votre culpabilité à Dieu

Que faire, alors, de la vraie culpabilité ? Il n’y a pas de meilleur endroit pour chercher une réponse que dans le psaume 51, qui est probablement la plus célèbre prière de confession de toute la Bible.

Ô, Dieu, fais-moi grâce conformément à ta bonté ! Conformément à ta grande compassion, efface mes transgressions ! Lave-moi complètement de ma faute et purifie-moi de mon péché.

Psaumes 51.3-4

Le titre du psaume indique à quelle occasion David a formulé cette prière. Il a eu une liaison extra-conjugale avec Bath-Shéba, a fait tuer son mari, puis l’a épousée. Dieu a révélé le péché de David au grand jour par l’intermédiaire du prophète Nathan. C’est alors que David a commencé à prier.

Et si je vous disais que, quelle que soit l’ampleur des dégâts que vous avez causés dans votre vie, il existe un moyen de s’en sortir ? Ce moyen est ce que la Bible appelle la repentance, et la repentance est un processus. Que nous enseigne le psaume 51 à ce sujet ?

Il nous montre qu’il y a trois choses que nous devons cesser de faire, deux choses que nous devons commencer à faire, et enfin une chose que nous devons recevoir.

Les contrefaçons de la repentance – Le rejet de la faute

Car je reconnais mes transgressions et mon péché est constamment devant moi. J’ai péché contre toi, contre toi seul, j’ai fait ce qui est mal à tes yeux. C’est pourquoi tu es juste dans tes paroles, sans reproche dans ton jugement.
Oui, depuis ma naissance, je suis coupable ; quand ma mère m’a conçu, j’étais déjà marqué par le péché.

Psaumes 51.5-7

Il existe une vraie repentance qui permet « d’avoir la vie » (Actes 11.18) et qui apporte force, liberté et paix. Mais, selon la Bible, il existe aussi une fausse repentance, un chagrin ou un remords qui peuvent passer pour de la repentance mais qui « produit la mort » (2 Corinthiens 7.10) ; elle apporte frustration, culpabilité permanente et désespoir. Il existe certaines choses qui ressemblent à une repentance qui donne la vie et qui enlève la culpabilité mais qui ne le sont pas.

Une de ces contrefaçons est le rejet de la faute. « Je suis désolé, mais vous savez bien que ce n’était pas vraiment ma faute ». Or, la vraie repentance assume la pleine responsabilité du péché.

Une façon de rejeter la faute est de justifier notre péché. L’écrivain du 17e siècle Thomas Brooks appelait cela « peindre le péché avec les couleurs de la vertu[3] ». Nous nous regardons et disons : « Je ne suis pas avare, je suis juste économe » ; « Je ne suis pas fier, je suis juste sûr de moi » ; « Je ne bois pas trop, je suis juste le roi de la fête » ; « Je ne suis pas acerbe, je dis juste les choses telles qu’elles sont ».

Une autre méthode consiste à transférer la responsabilité. « Je n’aurais pas eu de liaison si tu avais été une meilleure épouse ». « Je n’aurais pas dû dire ça, mais elle m’a provoqué. N’importe qui aurait fait la même chose ». « J’ai beaucoup souffert ; je pense que je le méritais ».

Une troisième forme de rejet de la faute consiste à affirmer que l’accusateur exagère. « D’accord, c’était mal, mais tu es beaucoup trop sensible ». « Bien sûr, je n’aurais probablement pas dû faire ça, mais souviens-toi de ce que toi, tu as fait. C’était terrible. Alors arrête de me pointer du doigt ».

La scène d’ouverture de la Bible montre le caractère mortel du rejet de la faute : Ève accuse le serpent, Adam accuse Ève et accuse même Dieu (« la femme que tu as mise à mes côtés ») pour ce qu’ils ont fait. Nous ne pouvons commencer à gérer notre culpabilité que lorsque le rejet de la faute prend fin. David prie : « Tu es juste dans tes paroles, sans reproche dans ton jugement » (Psaumes 51.6). Il n’y a aucune tentative de minimiser sa responsabilité. Il n’y a pas d’excuses. La vraie repentance regarde sa propre responsabilité en face et dit à Dieu : « Tu as montré ta justice dans tout ce qui nous est arrivé […] alors que nous, nous avons été coupables. » (Néhémie 9.33). On ne trouve pas ici le moindre reproche adressé à Dieu pour avoir été trop dur. On ne trouve nulle part l’idée de tenir les circonstances ou une autre personne pour responsables du péché. La conscience ne peut être purifiée que lorsque cessent les faux-semblants ou les tentatives de dérobade.

Compte tenu de ce qu’il a fait, les propos de David révèlent une perspicacité remarquable sur son propre cœur : « Oui, depuis ma naissance, je suis coupable ; quand ma mère m’a conçu, j’étais déjà marqué par le péché. » (Psaumes 51.7). David parle-t-il simplement de la doctrine classique du « péché originel », à savoir que tous les êtres humains sont pécheurs de nature ? Probablement, mais ici, la préoccupation de David n’est pas d’enseigner la théologie. Il se montre beaucoup plus personnel.

David perçoit un air de famille entre les péchés courants de sa jeunesse et le meurtre. Il constate que ce ne sont pas deux choses radicalement différentes. Dans des circonstances appropriées, le potentiel de cruauté qui découle de l’affirmation de soi et de l’égocentrisme présents dans le cœur de chacun peut, s’il est bien cultivé, conduire au meurtre. Cela provient de la même graine.

Dans la série populaire de la BBC Broadchurch, le mystère porte sur l’identité de celui qui, dans cette charmante ville côtière, a assassiné un jeune garçon. L’inspectrice locale, Ellie Miller, doute qu’un habitant de la ville ait pu faire une telle chose. C’est une communauté soudée composée de gens bien. « Ici, on n’a pas ce type de problème », dit-elle. Le capitaine Alec Hardy réagira ensuite à cette déclaration en ces termes :

Hardy : « N’importe qui peut avoir commis ce meurtre, c’est qu’une question de circonstances. »
Miller : « La plupart des gens distinguent le bien du mal. »
Hardy : « Jusqu’à ce qu’ils ne le distinguent plus »[4].

Le capitaine Hardy, personnage de fiction, dit ici exactement la même chose que la Bible. Vous ne devez pas être dans le déni quant à votre capacité à faire le mal. Vous ferez dans votre vie des choses vraiment mauvaises qui vous scandaliseront profondément, à moins de comprendre cette vérité essentielle de la Bible. Voilà pourquoi le rejet de la faute est une des choses les plus dangereuses que vous puissiez faire.

Voici le langage d’un cœur repentant : « Oui, Seigneur, j’ai été maltraité et j’ai eu des difficultés, mais je n’ai pas réagi comme j’aurais dû le faire. C’est à cause de mon propre péché que je suis malheureux aujourd’hui. J’en assume l’entière responsabilité ! » La repentance commence là où cesse le rejet de la faute.

Les contrefaçons de la repentance – L’apitoiement sur soi

L’apitoiement sur soi-même est une autre contrefaçon de la repentance. « J’ai vraiment gâché ma vie ! » Mais la vraie repentance implique de se désoler du péché lui-même et de l’offense et la peine qu’il inflige à Dieu.

La fausse repentance consiste à se lamenter sur les conséquences du péché et sur les problèmes qu’il a vous a causés. David vient de faire du tort à Bath-Shéba en usant de son pouvoir royal pour avoir une aventure avec elle, une femme mariée, et il a fait du tort à son mari Urie en le faisant tuer. En abusant de son pouvoir royal, il a également trahi la confiance de son peuple. Pourtant, David dit à Dieu : « J’ai péché contre toi, contre toi seul, j’ai fait ce qui est mal à tes yeux » (Psaumes 51.6). Comment peut-il dire cela ?

La déclaration de David n’a pas vocation à être avant tout un élément d’enseignement théologique ; c’est littéralement un cri du cœur. En hébreu, la répétition d’un mot indique l’intensité de l’émotion – la passion, le désir et l’amour. Son cœur se brise lorsqu’il réalise que, ce qu’il a fait, il l’a fait au Dieu qui l’a oint comme roi, qui l’a sauvé à maintes reprises de la jalousie du roi Saül et qui l’a établi comme roi d’Israël.

David ne nie pas avoir péché contre Urie et Bath-Shéba, il dit plutôt que son péché envers Dieu – le Dieu auquel il doit littéralement toute chose – était à la base de tout. David reconnaît que son péché contre Dieu était à l’origine de son péché contre tous les autres. Dans son Grand Catéchisme, Martin Luther démontre que l’on ne blesse jamais les autres (commandements cinq à dix) sans enfreindre le premier commandement : « Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi ». Si donc vous mentez pour faire du profit, alors vous avez placé l’argent au-dessus de Dieu, vous lui accordez à ce moment-là un amour plus grand. Il en va de même si vous mentez pour protéger votre réputation.

David a bien saisi cela. Cette focalisation sur notre péché contre Dieu est le contraire de l’apitoiement sur soi. Se complaire dans l’apitoiement sur soi peut ressembler à de la repentance, mais ce n’en est pas. Lorsque nos mauvaises actions nous retombent dessus, nous nous lamentons : « Je voudrais ne pas avoir fait ça ! » Mais notre regret ne porte pas sur le tort que nous avons fait à Dieu ou aux autres, mais sur les ennuis que cela nous a causés. Nous ne sommes pas vraiment troublés par le péché et, si les conséquences disparaissent, nous retombons dans le même comportement fautif. Cela prouve que l’apparente repentance n’était rien d’autre que de l’apitoiement sur soi.

Il y a quelques années, je faisais du conseil pastoral auprès d’un couple marié. L’homme tenait continuellement à sa femme un langage dur, colérique et insultant qui l’affligeait et la blessait profondément. Durant trois ans, il a accepté de me consulter, mais il s’est clairement avéré qu’il ne venait que lorsqu’elle menaçait de le quitter. C’est alors seulement qu’il venait me voir et se montrait prêt à changer de comportement. Mais ces changements disparaissaient dès que la menace de séparation et de divorce s’éloignait. En d’autres termes, il n’était pas avant tout désolé de maltraiter sa femme et de déshonorer son Dieu. Il n’était pas désolé pour le péché, mais pour lui-même. Et l’apitoiement sur soi ne conduit jamais au changement. Pour être désolé du péché lui-même, il faut de l’amour. S’il avait vraiment aimé sa femme – et aimé son Dieu –, il aurait haï le péché lui-même, et le péché aurait alors commencé à perdre son emprise sur lui. Son apitoiement sur lui-même a induit des changements superficiels qui n’ont jamais vraiment touché son cœur et n’ont donc pas modifié durablement son comportement.

L’apitoiement sur soi ressemble à la repentance, mais c’est de l’égocentrisme, ce qui constitue l’essence même du péché. Vous ne commencez à changer que si vous réalisez que vous avez non seulement enfreint la loi de Dieu mais aussi brisé son cœur, que vous l’avez déshonoré et attristé.

Tout comme la véritable repentance commence là où cesse le rejet de la faute, elle commence aussi là où cesse l’apitoiement sur soi. Le pasteur britannique Richard Sibbes a écrit dans son œuvre majeure The Bruised Reed [Le roseau froissé] (1630) que l’on ne cesse de s’apitoyer sur son sort que lorsque l’on cesse de penser aux conséquences. Le repentir n’est pas « une petite inclinaison de la tête […] mais un travail du cœur [… jusqu’à ce que] le péché nous paraisse plus odieux que le châtiment[5] ».

Stephen Charnock, un écrivain plus contemporain qui a écrit A Discourse of Conviction of Sin [Un discours sur la conviction du péché], fait une nette distinction entre ce qu’il appelle la repentance légaliste – marquée par l’apitoiement sur soi – et la repentance véritablement « évangélique » ou fondée sur l’Évangile. La repentance légaliste naît principalement de la peur du châtiment, tandis que la vraie repentance naît de la prise en compte de la bonté de Dieu et, par conséquent, du sentiment de sa propre ingratitude et de son manque d’amour. Ainsi, la fausse repentance « s’écriera : “J’ai exaspéré une puissance qui est comme le rugissement d’un lion. […] J’ai provoqué celui qui est le Seigneur souverain du ciel et de la terre, dont la parole peut détruire les fondations du mondeˮ. Mais une personne convaincue par l’Évangile s’écriera : “J’ai irrité une bonté qui est comme une goutte de rosée ; j’ai offensé un Dieu qui se conduisait en ami. […] Oh mon […] cœur si dur… qu’il fuit loin d’une si douce fontaine pour aller ratisser dans les flaques d’eauˮ ![6] »

Voici le langage d’un cœur repentant : « Oui, Seigneur, je suis dans l’affliction à cause des conséquences de mon péché. Mais ces conséquences m’ont surtout ouvert les yeux sur la gravité de ce que j’ai fait, sur le tort que cela a causé aux autres et surtout à toi, mon Créateur, mon Soutien et mon Rédempteur ». La repentance commence là où cesse l’apitoiement sur soi.

Les contrefaçons de la repentance – L’autoflagellation

Il existe enfin une forme de fausse repentance qui s’exprime de manière excessive. La personne manifeste alors son dégoût d’elle-même, de manière intense et bruyante, par des cris et des larmes. Ses interlocuteurs se sentent obligés de lui dire qu’elle n’est pas si mauvaise ou si coupable que ça. Et c’est précisément le but d’une telle autoflagellation : essayer de faire pression sur les autres, et sur Dieu, pour qu’ils n’accusent pas mais qu’ils excusent et pardonnent. La logique interne est à peu près la suivante : « Si je me flagelle suffisamment, cela expiera sûrement mon péché et personne ne me demandera plus rien ».

Le recours à la contrition marquée par la haine envers soi-même comme moyen d’expier son péché rejette le pardon de Dieu au même titre que son contraire, à savoir le refus orgueilleux de reconnaître que l’on a mal agi. Ce sont deux formes de propre justice. John Newton, pasteur anglican du 18e siècle, écrivit à un jeune homme qui était constamment déprimé, rongé par le sentiment d’être pécheur et indigne. Newton ne tergiversa pas. Il lui écrivit que c’était faire preuve d’un grand orgueil spirituel et d’une grande suffisance que de se trouver des excuses sans aucune pudeur ou de se complaire dans une haine morbide de soi. Il écrivit ceci :

Votre [compréhension] de l’Évangile est bonne, mais quelque chose de légal[iste] dans votre parcours vous laisse perplexe. […] Vous ne pouvez pas être trop [conscient] des maux intérieurs et profonds que vous déplorez, mais il se peut que vous en soyez – et en fait vous l’êtes – affecté de manière inappropriée. […] Vous exprimez non seulement une faible opinion de vous-même, ce qui est juste, mais une trop faible opinion de la personne, de l’œuvre et des promesses du Rédempteur, ce qui est certainement erroné. […]
Satan […] propose parfois de nous enseigner l’humilité, mais bien que je souhaite être humble, je ne veux pas apprendre dans son école. Ses prémisses [sur notre état de pécheur] sont peut-être vraies […] mais il en tire ensuite des conclusions abominables et voudrait nous montrer que, par conséquent, nous devrions douter de la puissance, de la volonté ou de la fidélité du Christ.
En effet, bien que nos [auto-reproches] soient bons dans la mesure où ils montrent que nous n’aimons pas le péché, lorsque nous en venons à les examiner de près, il s’y mêle souvent tant d’opiniâtreté, de propre justice, d’incrédulité, d’orgueil et d’impatience, qu’ils ne valent guère mieux que les pires maux que nous déplorons[7].

Recevoir le pardon de Dieu est simple : se repentir et demander sa miséricorde ! Pourtant, beaucoup de gens, si ce n’est la plupart, n’expérimentent jamais cette grâce parce qu’ils ne se repentent pas. La véritable repentance commence là où cessent la négation (« Il ne s’est rien passé »), le rejet de la faute (« Ce n’était pas vraiment ma faute »), l’apitoiement sur soi (« Je suis désolé à cause de ce que cela m’a coûté ») et l’autoflagellation (« Je me sentirai tellement mal que personne ne pourra me critiquer »).


[1] Darrell L. Bock, Luke 9:51–24:53, Baker Exegetical Commentary on the New Testament, Grand Rapids (MI): Baker, 1996, p. 1118-1119.

[2] Tout au long de l’histoire de l’Église, les pasteurs ont identifié le problème spirituel de la « conscience trop scrupuleuse ». Voir, par exemple, Charles Hodge, «Diseased Conscience», dans Princeton Sermons, 1879, réimpr. Édimbourg (Écosse): Banner of Truth, 2011, p. 122 ; William Bridge, «A Lifting Up in the Case of Lack of Assurance», dans A Lifting Up of the Downcast, 1649, réimpr. Édimbourg (Écosse): Banner of Truth, 1961, p. 128-151 ; Thomas Brooks, «Precious Remedies against Satan’s Devices», 1652, dans The Works of Thomas Brooks, vol. 1, Édimbourg (Écosse): Banner of Truth, 1980, p. 91-117.

[3] Brooks, Works of Thomas Brooks, vol. 1, op. cit., p. 16.

[4] Broadchurch, saison 1, épisode 2, dirigé par James Strong, écrit par Chris Chibnall, BBC 2013, France Télévision distribution

[5] Richard Sibbes, The Bruised Reed, 1630; réimpr. Édimbourg (Écosse): Banner of Truth, 1998, p. 12.

[6] Stephen Charnock, The Works of Stephen Charnock, vol. 4, The Knowledge of God, Édimbourg (Écosse): Banner of Truth, 1985, p. 199.

[7] John Newton, «Let.11 to Rev.Mr.S», dans Works of John Newton, vol. 6, Édimbourg (Écosse): Banner of Truth, 1985, p. 185-186.


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Auteur de l’article : Éditions Clé

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