Nous reproduisons ici la préface de Timothy Keller sur le livre Chrétien dans la culture d’aujourd’hui de Daniel Strange
Préface
Un de mes professeurs racontait une histoire à propos de Paul Tillich, théologien allemand très connu dans les milieux universitaires. Ce professeur, alors jeune enseignant dans un séminaire des États-Unis, avait pour mission de modérer les débats suscités par une conférence de Tillich. Les étudiants commençaient à poser leurs questions, mais, systématiquement, le conférencier les reformulait complètement et les « corrigeait » avant d’y répondre.
Mon professeur finit par rassembler son courage et dit : « Professeur Tillich, ce n’était pas exactement la question. Pourriez-vous répondre à la question que l’étudiant a réellement posée ? » La réponse cinglante ne se fit pas attendre : « Non, parce qu’ils ne posent pas les bonnes questions. » C’était peut-être vrai, du moins en partie, conclut mon professeur, mais cette tactique conduisit les étudiants à décrocher complètement et à rejeter Tillich.
La réponse à des questions que les gens ne posent pas
Dan Strange sait que les chrétiens contemporains ressemblent beaucoup à ce conférencier inefficace. Nous croyons que « Jésus est la réponse », mais nous sommes tellement sourds aux forces culturelles qui nous entourent que nous le présentons souvent comme la réponse à des questions que les gens ne posent pas. Bien sûr, à cause du péché, les gens sont incapables de poser la plus fondamentale des questions : « Comment moi, pécheur, puis-je être réconcilié avec un Dieu saint et juste ? » Et pourtant, comme Dan le démontre dans ce livre, l’image de Dieu en chacun et la grâce commune conduisent tout de même certains à se poser de bonnes questions : « Qui suis-je ? Quel est le sens de la vie ? Comment puis-je trouver le véritable bonheur et la plénitude ? »
Textes (ou messages, histoires) de notre culture
Chaque culture génère des « textes » – dans les vidéos que nous regardons, dans nos lectures ou dans nos jeux – qui s’appuient sur des réponses à ces grandes questions. Dan Strange nous montre, de la manière la plus accessible qu’il m’ait été donné de voir, comment en faire une analyse culturelle chrétienne. Autrement dit, il nous explique comment identifier les réponses spécifiques d’une culture à ces grandes questions, quel que soit le « texte ». Puis il montre comment critiquer ces réponses tout en affirmant les aspirations fondamentales pour, enfin, rediriger les gens vers Christ, le véritable accomplissement de leur quête et la véritable réponse à leurs questions.
Accomplissement subversif
La méthode de base utilisée ici est celle qui a été élaborée par quelques missiologues du 20e siècle. L’expression « accomplissement subversif » décrit parfaitement cette approche. Les chrétiens doivent montrer aux adeptes d’autres religions et d’autres visions du monde que l’Évangile répond aux aspirations humaines fondamentales, mais ils doivent en même temps dénoncer les fausses idoles présentes dans chaque culture et censées répondre à ces aspirations. L’accomplissement subversif évite la double erreur du syncrétisme et du manque de pertinence. Il ne s’agit pas de dénoncer le péché en général, mais dans les formes idolâtres particulières qu’il revêt dans la culture. Le salut ne doit pas être annoncé de façon globale, mais comme une réponse aux espoirs profonds que la culture place à tort dans ses idoles.
Dans Chrétien dans la culture d’aujourd’hui, Dan Strange utilise cette méthode, la transpose au 21e siècle pour en faire un outil formidable et accessible à tous. Il démontre de manière convaincante que c’est ainsi que Paul prêchait. Mais il ne s’agit pas d’une simple stratégie à appliquer aux conversations portant sur l’Évangile (même si ça l’est sans doute également). Dan prouve que c’est aussi un moyen pour les chrétiens de comprendre le monde dans lequel ils vivent et les messages culturels qu’ils rencontrent chaque jour. Ainsi, ils peuvent vivre fidèlement en étant « dans le monde, mais pas du monde ».
Plus encore, Dan attend de l’accomplissement subversif qu’il imprègne notre façon d’aborder toutes nos communications : prédication et enseignement publics, accompagnement personnel, instruction et conversation. Cela implique qu’il ne faut jamais se contenter d’asséner : « J’ai raison et vous avez complètement tort. » Il ne s’agit pas non plus d’un moyen de montrer à quel point le christianisme est moderne et pertinent. Cela implique qu’il faut à la fois montrer du respect et être dans la contradiction. Cela signifie qu’il faut interpeler nos semblables tout en leur montrant que leurs efforts sont voués à l’échec. Et cela signifie leur offrir, au sens évangélique, tout ce dont le cœur humain a besoin, à savoir un sens que la souffrance ne peut enlever ; une satisfaction qui ne dépend pas des circonstances ; une liberté qui ne détruit ni l’amour ni la communauté ; une identité qui ne vous fait pas défaut, ne vous écrase pas, ou ne vous incite pas à exclure les autres ; une justice qui ne vous transforme pas en oppresseur ; un soulagement de la honte et de la culpabilité sans recourir au relativisme ; et une espérance qui vous rend capable de tout affronter avec assurance, même la mort.
Unique en son genre.
De nos jours, de nombreux livres nous expliquent comment faire pour adapter notre présentation de l’Évangile aux besoins et aux questions de nos contemporains dans une société matérialiste et pluraliste. Et beaucoup d’autres nous invitent à vivre avec fidélité dans notre culture occidentale post-chrétienne, sans vivre en retrait et sans nous y dissoudre. Mais dans Chrétien dans la culture d’aujourd’hui, Dan nous explique et nous montre comment le faire. Le livre que vous tenez entre vos mains est vraiment unique en son genre.