Dans son livre « Une prière révolutionnaire : le Notre Père », Albert Mohler nous aide à comprendre cette prière enseignée par Jésus. Il décortique chaque phrase pour nous permettre d’en saisir toute la puissance.
Dans cet extrait, tiré du début du livre, Albert Mohler médite sur l’impact de s’adresser à Dieu par le « notre » et non le « je ».
Un pronom insignifiant ?
Au cours des dernières décennies, j’ai constaté que de nombreux chrétiens ont tendance à commencer leurs prières en exposant leurs besoins. Bien évidemment, et dans un certain sens, je comprends pourquoi nous adressons tout naturellement nos requêtes au début de nos prières. Après tout, la prière nous rappelle à quel point nous dépendons entièrement de Dieu pour nous sanctifier dans toute situation et nous sauver de nos épreuves. De plus, ce sont souvent les circonstances et les épreuves qui nous poussent d’abord à prier. La tyrannie de l’urgence prend alors le contrôle de notre vie intellectuelle et de notre système de pensées. Par conséquent, nos prières entières sont souvent synonymes de requêtes.
Mais le Notre Père commence différemment. Les requêtes occupent certainement une partie (en fait, la majeure partie) du Notre Père, mais Jésus ne commence pas par là. Il commence plutôt par reconnaître le caractère du Dieu qu’il prie, ébranlant ainsi l’individualisme de nos prières. Il fait tout cela avec les deux premiers mots : « Notre Père ».
Le mot notre peut paraître, au premier abord, un petit pronom bien insignifiant. Mais Jésus souligne un point théologique important en commençant sa prière avec le mot notre. Jésus nous rappelle qu’établir une relation avec Dieu, c’est établir une relation avec son peuple. Lorsque nous sommes sauvés par Christ, nous sommes intégrés dans son corps, l’Église. En réalité, l’importance de notre place dans l’identité collective de l’Église est répétée tout au long de la prière. Pour observer cette importance, il suffit de lire la prière et de souligner chaque mot qui fait référence à la première personne du pluriel : « Notre Père qui es aux cieux ! Que ton nom soit sanctifié. Que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien, pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Ne nous laisse pas entrer dans la tentation, mais délivre-nous du Malin. » Avez-vous remarqué ce qui est étonnamment absent ?
Aucun mot ne fait référence à la première personne du singulier ! Jésus ne nous a pas enseigné à prier : « Mon Père qui es aux cieux […] Donne-moi aujourd’hui mon pain quotidien ; pardonne-moi mes offenses comme je pardonne aussi à ceux qui m’ont offensé ; ne me laisse pas entrer dans la tentation, mais délivre-moi du Malin. » Il ne s’agit nullement de nier nos propres péchés ou nos propres besoins, mais plutôt de ne jamais nous concentrer exclusivement sur nous-mêmes.
Des prières centrées sur moi
Nous autres, évangéliques, avons un défaut majeur : nous accordons une place démesurée à l’individualisme. La première personne du singulier domine notre réflexion. Nous avons tendance à appréhender les choses (y compris les vérités de la Parole de Dieu) uniquement si elles ont un rapport avec moi. Cependant, lorsque Jésus enseigne à ses disciples à prier, il souligne dès le départ que nous faisons partie d’un peuple qui est l’Église. Dieu n’est pas uniquement « mon Père ». Il est « notre Père » : le Père de mes frères et sœurs dans la foi, auxquels je m’identifie et avec qui je prie.
Si nous sommes honnêtes, la plupart de nos réunions de prière ne prennent pas en compte cet aspect collectif de la prière que Jésus souligne. Nous ne devons jamais oublier que même lorsque nous prions seuls (Matthieu 6.6), nous devons nous souvenir de l’Église de Christ et prier pour elle avec amour.
Nous devons nous rappeler de la structure du discours de Jésus dans cette prière modèle, et nous remémorer les mots qu’il a employés, ainsi que ceux qu’il n’a pas employés. La première personne du singulier (je, moi, mon, à moi) est complètement absente du Notre Père. À l’évidence, la prière ne devrait pas être axée sur vous ou sur moi.
Qu’est-ce qui cloche dans nos prières ?
Cette tendance à nous centrer sur nous-mêmes dans nos prières me fait penser à la célèbre réponse de G.K. Chesterton à la question : « Qu’est-ce qui cloche dans le monde ? » Un grand journal avait envoyé cette question à de nombreux intellectuels connus dans l’Angleterre victorienne. Plusieurs d’entre eux avaient renvoyé de longues dissertations décrivant les dysfonctionnements complexes du monde. Chesterton aurait répondu par cette simple note manuscrite : « C’est moi. Bien à vous, Chesterton. »
Qu’est-ce qui cloche dans nos prières ? Quel est notre plus grand problème ? La réponse fondamentale reflète sans doute celle de Chesterton : « C’est moi. » Nous commençons nos prières par nos inquiétudes et nos requêtes, sans nous soucier de nos frères et sœurs. Et ceci constitue un de nos plus grands problèmes. Nous sommes nombreux à ne pas prier correctement parce que nous commençons par le mauvais mot : je à la place de nous. Jésus nous rappelle que nous faisons partie d’une famille, même lorsque nous prions. C’est pourquoi Jésus commence sa prière modèle par le mot notre. Nous sommes dans le même bateau.
Être chrétien, c’est faire partie de l’Église du Seigneur Jésus-Christ. Par la grâce de Dieu, nous sommes intégrés au corps de Christ de sorte que notre identité spirituelle la plus fondamentale n’est plus « je » mais « nous ». Cela va à l’encontre de notre nature déchue. Cela va également à l’encontre de notre individualisme occidental, un individualisme qui s’est infiltré dans de nombreux pans du monde évangélique. Mais les Écritures doivent demeurer notre référence.
Jésus nous enseigne à abandonner le « je » et à commencer par le mot « nous ».
Pour aller plus loin :
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Récension sur ce livre
IBB : https://www.bibliodok.com/recension/?x=une-priere-revolutionnaire-le-notre-pere