Les étapes vers la maturité chrétienne par Jamel ATTAR (2/2)


Le chrétien mature (dessin de Nouvelle Création)

Nous reproduisons ici la suite de et fin de l’extrait du livre Le chrétien mature de Jamel Attar publié aux Éditions Clé.


Les stades anormaux de la vie chrétienne 

Voir la partie 1 de l’article pour les 3 degrés normaux de la vie chrétienne (Les petits enfants, Les jeunes enfants et les pères).

Le bébé = le chrétien charnel

L’apôtre Jean nous présente donc trois degrés normaux de la vie chrétienne. Maintenant, il faut bien comprendre qu’il n’y a rien de mal à être à l’un ou l’autre des deux premiers stades. Par contre, il serait inquiétant qu’un jeune enfant ne grandisse pas pour devenir un adolescent et, enfin, un adulte. Il est tout aussi grave qu’un chrétien ne croisse pas pour devenir adulte dans la foi. Malheureusement, l’apôtre Paul nous montre que des chrétiens courent le risque de rester à l’état d’enfance. C’est ce qu’il avait observé chez les croyants de l’Église de Corinthe :

Pour ma part, frères et sœurs, je n’ai pas pu vous parler comme à des personnes dirigées par l’Esprit, mais comme à des personnes dirigées par leur nature propre, comme à de petits enfants en Christ. Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter. D’ailleurs, même maintenant vous ne le pouvez pas parce que vous êtes encore animés par votre nature. En effet, puisqu’il y a parmi vous de la jalousie, des disputes [et des divisions], n’êtes-vous pas dirigés par votre nature propre et ne vous conduisez-vous pas d’une manière tout humaine ?

1 Corinthiens 3.1-3

Le drame : rester longtemps au stade de la petite enfance

Quand Paul était arrivé dans leur ville pour la première fois, il n’avait pas pu leur parler comme à des chrétiens matures. Cela était bien normal, puisqu’ils venaient d’entendre la Bonne Nouvelle de la bouche de l’apôtre. Ils l’ont reçue et, par l’Évangile, ils sont nés à la vie de Dieu. Ils étaient donc de simples enfants en Christ, à l’étape première de la vie chrétienne, comme la définit l’apôtre Jean, le disciple que Jésus aimait. L’apôtre ne leur enseigne d’abord que les rudiments de la foi chrétienne, parce que, encore nouveau-nés, ils n’étaient pas prêts à affronter des questions plus profondes et plus difficiles. C’était une condition normale et appropriée pour eux à l’époque. Au début, Paul n’a pas poussé les jeunes croyants au-delà de leurs capacités, mais leur a donné l’enseignement qui était adapté à leur état. Il n’y avait rien de coupable à ce qu’ils ne soient pas encore prêts à recevoir « une nourriture plus solide », car ils ne pouvaient pas la supporter. Se manifestent ici le souci pastoral de l’apôtre Paul et sa capacité d’adaptation aux besoins des chrétiens. Mais le drame, c’est que ces chrétiens sont restés longtemps à ce stade de la petite enfance. Paul a passé dix-huit mois à Corinthe, suffisamment de temps donc pour leur enseigner les vérités les plus précieuses de la foi. Mais la difficulté pour l’apôtre était que les Corinthiens n’étaient pas encore prêts ; il n’a pas pu leur communiquer ces vérités, il n’a pas pu leur « parler comme à des personnes dirigées par l’Esprit » (v. 1), car cela demande de la maturité. Paul s’était adressé à eux, « comme à des enfants en Christ », précisément comme à des bébés ; le mot employé ici est différent de celui employé par Jean. Plus grave encore, même au moment où il leur écrit, c’est-à-dire des années plus tard, l’apôtre sait qu’ils sont restés des petits enfants en Christ : « D’ailleurs, même maintenant vous ne le pouvez pas parce que vous êtes encore animés par votre nature » (v. 2-3) ou « parce que vous êtes encore charnels » (NEG). Ils auraient dû dépasser cet état depuis longtemps, mais ils y étaient encore.

Un stade anormal

Au lieu de devenir « des hommes spirituels », ils étaient restés des chrétiens charnels, inaugurant ainsi un quatrième stade, anormal, dans lequel le chrétien ne doit pas s’aventurer : une marche selon la chair et non selon l’Esprit. Cela est en opposition flagrante avec la vie normale du disciple de Christ, qui est une vie selon l’Esprit. Alors qu’ils auraient dû abandonner la manière de vivre du monde depuis longtemps, ils étaient restés immatures dans leur foi. Ils avaient continué de se conduire à la manière des hommes laissés à eux-mêmes. Voilà pourquoi Paul leur dit qu’ils marchent « selon l’homme » (NEG). Cela veut dire qu’ils se conduisent comme si l’Esprit n’avait aucune emprise sur leur vie.

Caractéristiques du chrétien charnel

Regardons maintenant comment se caractérise précisément ce stade. Paul ne s’est pas adressé aux chrétiens de Corinthe comme à des chrétiens matures, mais comme à des hommes charnels : il s’est restreint à la simple prédication du salut, alors qu’il aurait été bien plus normal qu’il aborde le dessein de Dieu dans le plan de salut… Certes, il a dû leur présenter les faits historiques et leur sens théologique, le fait que le salut était l’accomplissement du plan divin. Frédéric Godet identifie avec précision ce lait que Paul leur a donné : « Le lait désigne la prédication de Jésus crucifié, avec son contenu le plus simple et ses conséquences les plus immédiates, l’expiation, la justification par la foi, la sanctification du croyant justifié par le Saint-Esprit, ce qui sauve en convertissant et régénérant ». Mais ce n’est pas à eux qu’il aurait envoyé la lettre aux Éphésiens, par exemple. Paul y développe le mystère arrêté de toute éternité, gardé secret pendant les siècles, réalisé par Jésus-Christ. Ce mystère est déployé dans l’Église, réalité universelle, à la fois terrestre et céleste… Voilà de la nourriture solide, « ce que Paul vient d’appeler la sagesse, la contemplation du plan divin dans son ensemble depuis la prédestination éternelle jusqu’à la consommation finale ». C’est cette sagesse qu’il prêche « parmi les parfaits » (1 Corinthiens 2.6 – NEG), c’est-à-dire parmi les chrétiens matures, dont la vie spirituelle est normalement développée. Les chrétiens de Corinthe étaient bien incapables, parce qu’immatures, de saisir dans leur cohérence, dans leur profondeur, dans leur richesse, les interventions de Dieu en Christ et, par lui, dans le monde. Voici donc la première caractéristique : l’incapacité de comprendre ou même de vouloir comprendre les réalités profondes de la foi chrétienne.

L’Esprit n’a pas encore pris le contrôle…

Le chrétien charnel a été régénéré, il a reçu l’Esprit, la vie nouvelle et le souffle de Dieu ont pénétré son cœur. Mais l’Esprit n’a pas encore pris le contrôle sur sa volonté propre et sur les instincts de sa chair, sa pensée n’a pas encore été entièrement renouvelée pour accepter les choses de Dieu et tout évaluer à l’aune de la nouvelle vérité. Ce chrétien a expérimenté l’influence de l’Esprit, « mais il n’est pas suffisamment conduit par sa puissance éclairante et sanctifiante : il pense, sent, juge, agit toujours selon la chair ». Sa volonté consciente est encore entravée par des habitudes charnelles et égoïstes, et sa capacité à comprendre les fondements et les relations plus profondes de la vérité chrétienne n’est pas encore développée. Le chrétien charnel est donc régénéré par l’Esprit de Dieu, mais il est encore un petit enfant se contentant de lait et incapable d’assimiler la nourriture solide. Il est tout à l’opposé du chrétien spirituel, qui marche selon l’Esprit de Dieu, supporte et même réclame la nourriture solide qui a permis son développement et l’a fait grandir pour devenir adulte et le rester.

Le chrétien rétrograde

Un autre passage de la Parole nous aide à préciser et développer davantage ce que l’apôtre Jean nous a appris ; il se trouve dans la lettre écrite aux Hébreux. En même temps, cette épître attire notre attention sur une menace réelle : la stagnation ou, pire, la régression. C’est ce dernier point que nous allons analyser maintenant. Voici donc ce qu’écrit l’auteur aux Hébreux :

Nous avons beaucoup à dire à ce sujet, et des choses difficiles à expliquer parce que vous êtes devenus lents à comprendre. Alors que vous devriez avec le temps être des enseignants, vous en êtes au point d’avoir besoin qu’on vous enseigne les éléments de base de la révélation de Dieu ; vous en êtes arrivés à avoir besoin de lait et non d’une nourriture solide. Or celui qui en est au lait est inexpérimenté dans la parole de justice, car il est un petit enfant. Mais la nourriture solide est pour les adultes, pour ceux qui, en raison de leur expérience, ont le jugement exercé à discerner ce qui est bien et ce qui est mal.

Hébreux 5.11-14

Ils sont devenus lents à comprendre…

L’auteur venait de parler, au début du chapitre 5.1-10, de Jésus comme Souverain sacrificateur selon l’ordre de Melchisédech. Il allait se lancer dans le développement de cette vérité qu’il jugeait capitale pour ses auditeurs : le sacerdoce céleste de Christ et son sacrifice annoncé par celui des animaux dans le temple de Jérusalem, sacrifice d’autant plus excellent qu’il purifie les consciences et fait accéder au trône de Dieu. L’auteur, sous l’autorité de l’Esprit saint, est convaincu que l’assimilation de ces composantes de la foi est nécessaire pour le progrès spirituel de ses auditeurs. Cela l’a donc amené à penser plus précisément à leur situation. Vont-ils pouvoir suivre ? Sont-ils capables d’appréhender par l’esprit ces « choses difficiles » qu’il a encore à leur expliquer au sujet du sacerdoce de Christ (v. 11) ? En fait ces chrétiens sont devenus littéralement « paresseux quant aux oreilles », c’est-à-dire qu’ils n’ont plus cette intelligence spirituelle vive, ils ne supportent plus des enseignements exigeants, non qu’ils aient un manque de capacité intellectuelle, mais leur sensibilité spirituelle s’est émoussée avec le temps et les circonstances de la vie. Le diagnostic posé par l’auteur n’est pas apparu de manière soudaine, mais des indices dans les chapitres précédents laissaient déjà entendre que quelque chose ne va pas chez ses correspondants. Il les a déjà plusieurs fois encouragés, exhortés à persévérer, à ne pas s’endurcir. Avant d’entrer donc dans ces lieux encore inexplorés pour ses lecteurs, il va attirer leur attention sur leur situation. Il ne voudrait pas en effet que leurs oreilles se ferment dès les premiers mots : « Nous avons beaucoup à dire à ce sujet, et des choses difficiles à expliquer parce que vous êtes devenus lents à comprendre » (v. 11). Il craint qu’ils réagissent ainsi parce qu’ils ont régressé spirituellement.

Ils auraient dû être « des maîtres »

Chrétiens depuis longtemps, ils auraient dû être « des maîtres », « des hommes faits » ou « des enseignants », « des adultes », c’est-à-dire des hommes et des femmes qui ont atteint un haut degré dans le développement spirituel. Mais voilà qu’ils en sont encore aux « éléments de base de la révélation de Dieu ». L’auteur est parfaitement d’accord avec Paul et Jean quant aux étapes normales de la vie chrétienne pour atteindre la maturité. Voici ce qu’il nous apprend au sujet des différents stades :

  • Enfance ou commencement : Les jeunes chrétiens dans la foi ont besoin de connaître « les principes de base de la foi ». N’étant pas encore capables d’assimiler certains enseignements, ils reçoivent du lait pour nourriture. C’est le fondement sur lequel tout reposera ensuite.
  • Progrès : Grâce au lait, ces chrétiens vont progresser en recevant une instruction qui ne se contentera pas de leur rappeler les bases, mais qui les conduira dans des domaines plus profonds, grâce à une nourriture plus dense.
  • Aboutissement : Le chrétien est appelé, grâce à une instruction équilibrée et avec le temps, à devenir un enseignant, un maître. Cela veut dire que le chrétien mature est une personne capable de transmettre des vérités spirituelles qu’elle a parfaitement saisies (non en ayant nécessairement un statut officiel, mais au moins en aidant les autres dans un cadre un à un, par exemple). C’est un homme ou une femme au savoir sûr, apte à aider les plus jeunes dans la foi. Voilà ce qui fait de ce chrétien un adulte, un chrétien qui a atteint le stade de la maturité.

Mais ce n’est pas le chemin qu’ont suivi les destinataires de la lettre. Ils n’ont pas connu de progrès spirituel, mais plutôt une régression, un retour à l’état d’enfance. Ils ont arrêté de progresser et ont ainsi perdu pied :

La vie chrétienne ressemble beaucoup à l’escalade d’une montagne de glace. Vous ne pouvez pas glisser vers le haut. Vous devez assurer chaque étape avec un piolet. Ce n’est qu’avec un travail incessant de coupe et de taille que vous pouvez progresser. Si vous voulez savoir comment rétrograder, arrêtez d’aller de l’avant. Cessez de monter et vous descendrez par nécessité. Vous ne pouvez jamais rester immobile[9].

Désirant arracher les auditeurs à leur pauvreté spirituelle et les faire progresser dans la connaissance du message chrétien dans toute sa richesse, l’auteur n’a pas renoncé à leur présenter les enseignements primordiaux pour qu’ils avancent dans la foi et parviennent à la maturité. Il nous encourage aussi à faire de cette maturité l’objet de notre élan et l’orientation de notre cœur et de notre vie :

C’est pourquoi, laissant les bases de l’enseignement relatif au Messie, tendons vers la maturité sans avoir à reposer le fondement du renoncement aux œuvres mortes, de la foi en Dieu, de l’enseignement concernant les baptêmes et l’imposition des mains, de la résurrection des morts et du jugement éternel.

Hébreux 6.1-2

Tendons vers la maturité

Il y a des vérités profondes, difficiles à saisir du premier coup et qui demandent donc de l’attention et des efforts. Le but n’est pas de se faire une grosse tête, mais un cœur obéissant, qui sait faire la différence entre le bien et le mal. « Tendons vers la maturité », c’est-à-dire vers l’intelligence du sacrifice du Christ, sa place et son rôle au ciel, sa médiation, sa souveraine prêtrise : c’est l’invitation pressante que Dieu adresse à tout chrétien. Le début de la vie chrétienne se caractérise par un enseignement des rudiments de la Parole de Dieu, un enseignement excellent en soi, mais qui doit être dépassé. Nous sommes appelés à dépasser l’enseignement élémentaire pour rechercher la nourriture solide qui fera de nous des chrétiens matures. Ce dernier stade est le degré normal d’aboutissement de tout chrétien qui a un certain nombre d’années de vie chrétienne. Or, ce stade ne peut être atteint sans un réel approfondissement des vérités spirituelles. Malheureusement, la tendance aujourd’hui est à la négligence de la connaissance, voire au refus des enseignements approfondis. Cette position ne peut que produire des nains spirituels. « Surtout pas de doctrine ! » disent certains. Mais affirmer cela, c’est dire que nous n’avons pas besoin d’enseignement. Or, justement, l’auteur lie étroitement enseignement approfondi et développement spirituel ou vérités ardues et croissance dans la foi. Il est urgent de voir le lien entre nourriture solide et maturité, entre connaissance de Dieu et croissance.


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Vidéo entretien avec Jamel Attar a propos de son livre (10:40)
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Auteur de l’article : Éditions Clé

Éditions Clé

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