Savoir dire non et se fixer des limites. Extrait de «Courageux par la foi» par Alistair Begg


Image par Gordon Johnson de Pixabay

1. Fixez-vous des limites

Les périodes de crise révèlent beaucoup de choses sur nous.

Et le livre de Daniel s’ouvre justement sur une crise nationale et personnelle. Nous sommes dans « la troisième année du règne de Jojakim sur Juda » (Daniel 1.1). Le peuple de Dieu – les Juifs – vit dans le pays promis par Dieu : Juda. Mais « Nebucadnetsar, le roi de Babylone, marcha contre Jérusalem et en fit le siège ». Bien que Babylone, la plus grande puissance de la région, ait été un immense empire qui se dressait contre ce minuscule royaume, il n’y avait pas lieu de paniquer : le peuple de Dieu avait déjà été attaqué, envahi et assiégé dans le passé. Il avait fait face au désastre plusieurs fois au fil des années et, à chaque fois, son Dieu l’avait défendu et avait arraché la victoire des mâchoires de la défaite. Mais ce même Dieu avait aussi, par l’intermédiaire de ses prophètes, prévenu son peuple de ce qui arriverait s’il continuait à ne pas l’écouter et à faire semblant d’obéir à ses lois.

C’est alors que survint la catastrophe : « Le Seigneur livra entre ses mains Jojakim, le roi de Juda, et une partie des ustensiles de la maison de Dieu » (v. 2). Le roi et une grande partie du peuple furent emmenés en exil à Babylone. La maison de Dieu – le temple où il avait habité au milieu de son peuple – fut détruite. Le roi de Babylone emporta les trésors du temple dans le pays de Shinear, et les mit dans le temple et dans le trésor de son dieu (v. 2).

Il s’agissait là de la plus grande crise dans l’histoire du peuple de Dieu depuis qu’Adam et Ève avaient été chassés d’Éden. À tous points de vue, il semblait que les dieux des Babyloniens étaient plus forts que le Dieu de la Bible : le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Après tout, si le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob était assez fort pour protéger son peuple, comment se faisait-il que les Babyloniens aient pu entrer et lui donner une telle raclée ? Il a donc dû se poser cette question inévitable :

« Où est Dieu dans tout cela ? »

Et nous pouvons imaginer les Juifs, oubliant leur propre désobéissance, les avertissements et les prédictions des prophètes, en train de se demander :

« Avons-nous suivi notre Dieu pour rien ? »

Voilà les questions qu’ont dû se poser les parents dont les enfants avaient été rassemblés pour être emmenés à Babylone, « au pays de Shinear » (v. 2). Nous n’avons pas élevé nos enfants dans la foi pour qu’ils soient emmenés de la sorte. Nos enfants ont besoin de vivre en Juda, pas à Babylone. Que deviendront-ils là-bas ? Si Dieu est bon, pourquoi oblige-t-il nos enfants à grandir dans ce genre d’endroit ? Après tout, ces parents juifs connaissaient les Écritures : Babylone, dans le pays de Shinear, était l’endroit où la tour de Babel avait été construite (Genèse 11). C’était l’endroit où les hommes s’étaient réunis pour s’opposer aux desseins de Dieu pour l’humanité dans le monde qu’il avait créé, et où ils avaient dit : Nous allons montrer à Dieu qui est aux commandes de cette entreprise : nous allons construire une tour pour nous-mêmes et l’élever jusqu’aux cieux, et nous déciderons de ce que nous ferons par nous-mêmes. C’est dans cet endroit que les jeunes de Juda avaient été emmenés. Comment allaient-ils pouvoir survivre, et à plus forte raison survivre dans leur foi ?

Je ne voudrais pas paraître alarmiste, mais les générations qui nous suivent dans l’Église, et qui ne sont peut-être pas très éloignées de nous, pourraient bien être amenées, dans notre propre pays, à dire des choses similaires. Certains d’entre nous se posent peut-être de telles questions au vu des circonstances qu’ils traversent actuellement dans leur propre vie ou dans la vie de leurs enfants : Que fait Dieu ? Pourquoi devons-nous vivre – et pourquoi nos enfants doivent-ils grandir – dans ce genre d’endroit, dans ce genre de société ? Si Dieu est bon, pourquoi laisse-t-il notre pays ressembler à cela ?

Le livre de Daniel raconte ce qui est arrivé au peuple de Dieu au cœur d’un empire créé pour nier et défier Dieu. Il relate l’histoire des exilés à travers le parcours spécifique de quatre hommes. Si nous avons l’impression que notre société prend une direction similaire – qu’elle ressemble davantage à Babylone qu’à Jérusalem, et que cela va croissant – cette histoire nous montre également comment vivre avec confiance et courage dans un tel monde.

Dire non

Le roi Nebucadnetsar savait comment diriger un empire. Il a ordonné à l’un de ses fonctionnaires d’amener dans son palais la crème des jeunes gens juifs afin qu’ils soient façonnés – refaçonnés – de manière à ce qu’ils deviennent de bons citoyens et de bons serviteurs babyloniens, et à ce qu’ils se débarrassent de cette vieille vision du monde israélite qui avait été vaincue.

Si nous parvenons à mettre la main sur eux, pensait-on, si nous parvenons à les déplacer, à les éduquer et à changer leur nom, alors, grâce à notre brillant programme de coercition subtile et (si besoin) pas si subtile, nous pourrons changer la façon dont ces jeunes gens voient le monde.

Ces jeunes gens ont donc été arrachés à tout ce qui leur était familier, à la sécurité, à la routine. Un changement de lieu suffit souvent à tout changer chez une personne ; cela se produit assez régulièrement aujourd’hui chez des jeunes qui ont professé la foi, lorsqu’ils arrivent à l’université. Ils ne vont plus aux mêmes endroits, ils ne bénéficient plus du soutien constant de leur famille, ils ne fréquentent plus l’Église qu’ils ont toujours connue. Un simple changement de lieu peut suffire pour que quelqu’un se dise : Je vais mettre ma foi en veilleuse pendant un certain temps… Peut-être que je vais l’abandonner complètement.

Et comme si cela ne suffisait pas à accabler ces jeunes Juifs, l’étape suivante consistait à refaire leur éducation. Ils allaient apprendre la littérature et la langue des Chaldéens – les Babyloniens. Ce que vous lisez et ce que vous pensez change ce que vous êtes, et c’était l’objectif recherché avec ces jeunes. Tout État puissant cherche à éduquer son peuple – et en particulier ses enfants – à diffuser sa vision du monde, ses priorités, sa définition du bien et du mal et de ce qui est acceptable et inacceptable. C’était le cas de Babylone.

Ensuite, ces hommes ont été rebaptisés. Daniel, Hanania, Mishaël et Azaria sont devenus Beltshatsar, Shadrak, Méshak et Abed-Nego – de nouveaux noms babyloniens. Il s’agissait toujours de noms honorant Dieu, mais ils honoraient un dieu différent : le dieu (ou les dieux) des Babyloniens. Pensez à l’importance intrinsèque que revêt votre nom pour l’idée que vous vous faites de vous-même. Ces jeunes hommes se voyaient attribuer une nouvelle identité.

Et ils l’ont accepté. Ils ont été déplacés, rééduqués et rebaptisés. Ils n’avaient guère le choix s’ils voulaient rester en vie.

La transformation de ces hommes, de fauteurs de troubles juifs qu’ils étaient supposés être en sujets babyloniens utiles et prospères, comportait un autre aspect : « Le roi leur réservait pour chaque jour une portion des plats servis à sa table et du vin de ses banquets » (Daniel 1.5).

Et ils ont dit non.

« Daniel prit la ferme décision de ne pas se souiller en consommant les plats servis à la table du roi et le vin de ses banquets » (v. 8). Ils n’ont rien pu faire pour éviter d’être déplacés ; ils n’ont pas pu résister au fait de devoir être rééduqués ; ils n’ont pas pu résister aux nouveaux noms qui leur étaient imposés. Mais ils pouvaient et voulaient résister au changement de leur régime alimentaire.

La résolution révélée

Cela semble être un domaine étrange pour fixer une limite ! Mais dans l’Ancien Testament, l’un des traits distinctifs du peuple de Dieu était les règles qu’il suivait concernant ce qu’il devait ou ne devait pas manger et boire. Pour le peuple de Dieu, le choix du régime alimentaire n’était pas simplement une manifestation extérieure de « pas grand-chose » ; il s’agissait plutôt d’une expression extérieure de leurs convictions profondes sur ce que signifiait le fait d’appartenir à Dieu. Compte tenu de l’endroit où se trouvaient ces jeunes hommes, de ce qu’ils faisaient et de ce qu’ils étaient appelés à devenir, le dernier fil qui les reliait à leurs racines juives et à leur foi était leur régime alimentaire.

Daniel a donc dit : Je peux faire ceci, je peux accepter cela, mais je ne peux pas aller plus loin. J’ai fixé une limite, je ne la franchirai pas, et je m’en tiens là.

Ne confondez pas Daniel et ses amis avec des agitateurs semant le trouble en permanence. Ne confondez pas le fait d’être pieux avec le fait d’être odieux. Non, Daniel jouissait de « la bienveillance et la compassion du chef des eunuques » (v. 9). Par la suite, lorsqu’ils se sont présentés devant le roi, ils étaient de loin les plus sages et les plus perspicaces de leur groupe d’étudiants. Même ceux qui étaient nés dans l’élite babylonienne ne supportaient pas la comparaison (v. 19-20). Ils étaient brillants, beaux et travailleurs. Ils étaient attentifs, arrivaient à l’heure et étaient de bons élèves. Et pourtant, il y avait une ligne qu’ils ne voulaient pas franchir. Il y avait en eux un noyau, et donc une détermination, qui les poussait à prendre cette position et à risquer de subir les conséquences du mécontentement du roi (qui s’avéraient souvent fatales).

Ce genre de résolution ne se prend pas sur un coup de tête. Elle ne vient pas du jour au lendemain ; elle ne surgit pas au moment où le défi se présente. La crise montre ce qu’il y a à l’intérieur d’une personne ; elle ne le crée pas mais le révèle. Et lorsque ces hommes sont ici confrontés à ce défi, ils sont aussitôt prêts à dire : Non, nous ne cèderons pas.

Ne laissez pas la distance qui vous sépare de leur époque, de leur culture et de leur géographie vous aveugler sur l’ampleur de leur décision. Pensez à ce que les exilés ont dû être tentés de dire : Nous sommes loin de Jérusalem. Les choses sont différentes maintenant. Les temps ont changé. Le vent dominant est trop fort pour que nous puissions nous y opposer, et résister ne changera rien et n’apportera rien de bon. Nous sommes ici à Babylone, et nous devons réussir au mieux notre vie à Babylone. Les choses sur lesquelles nos pères ont insisté ne sont pas si importantes que cela, n’est-ce pas ? (Ne croyez pas que cette façon de penser se limite à l’histoire ancienne de la Judée. Elle est bien vivante à chaque génération, notamment dans le monde évangélique aujourd’hui).

Daniel, Hanania, Mishaël et Azaria refusent d’adopter cette approche. Un poisson mort suit le courant ; il faut être un poisson vivant pour nager à contre-courant. Ils vont nager à contre-courant. Ils ont fixé leur limite, ils savent où elle se trouve et ils ne la franchiront pas.

La mise à l’épreuve

Daniel doit maintenant persuader le chef des eunuques du roi de leur permettre de manger d’autres aliments (Il n’est pas dit que si le chef refuse, Daniel cèdera. Il est simplement préférable d’obtenir l’accord des personnes en position d’autorité plutôt que de devoir les défier). Le chef aime bien les quatre amis juifs, mais il aime encore plus garder sa tête sur ses épaules, et il n’est pas prêt à courir le risque de mécontenter le roi pour laisser Daniel faire ce qu’il veut (v. 10). Je t’aime bien, Daniel, dit-il, et je comprends que tu aies tes convictions, mais cela ne marchera pas parce que je tiens trop à ma vie. Il va falloir que tu fasses avec, Daniel.

Mais Daniel a fixé sa limite. Il ne considère pas la réponse du chef comme une preuve que la volonté de Dieu est que lui et ses amis fassent des compromis. Il ne veut pas abandonner. Le PDG s’étant montré réticent, il s’adresse au directeur général, l’intendant, et lui propose un marché (v. 12-13) : Que dirais-tu de nous donner pendant dix jours seulement des légumes et de l’eau, de comparer ensuite notre apparence à celle des gars qui ont mangé la nourriture du roi, et d’agir « avec nous, tes serviteurs, en fonction de ce que tu auras constaté » ?

C’est courageux. Daniel dit : Nous allons mettre cette idée à l’épreuve, nous allons obéir à ce que nous savons être juste, et nous allons faire confiance à Dieu pour qu’il nous aide.

Les jours passent ; ils se mettent tous en rang et « au bout de 10 jours, ils avaient meilleure apparence et avaient pris plus de poids que tous les jeunes gens qui mangeaient les plats servis à la table du roi. L’intendant retirait donc les plats et le vin qui leur étaient destinés, et il leur donnait des légumes à la place » (v. 15-16) – ce qu’ils mangèrent pendant les trois années de formation et d’éducation qui suivirent. Le chef des eunuques n’en savait probablement rien et a dû se féliciter, en les voyant grossir et se fortifier, d’avoir refusé de laisser Daniel se passer de viande et de vin !

Il convient de souligner que ces versets ne nous proposent pas un régime à suivre. Après tout, Daniel et ses amis ont fini par grossir, et non par maigrir – c’était le but ! La raison pour laquelle ils avaient l’air si bien portants à la fin du test de dix jours (et après les trois années suivantes) n’était pas le régime de Daniel ; c’était le miracle du Seigneur. Il n’est pas question ici de super-aliments, mais de surnaturel. Dieu a montré sa puissance ; ces hommes auraient dû avoir l’air décharnés, flétris et pathétiques, mais ils étaient pleins de vie et d’énergie, et ils avaient une peau éclatante de santé. Pourquoi ? Parce que Dieu était intervenu. Chaque jour au cours de ces trois années, lorsqu’ils se réveillaient et se regardaient dans le miroir, ces quatre hommes se rappelaient que Dieu n’est le débiteur d’aucun homme et qu’il est capable de montrer sa puissance.

Comment rester ferme

Pourquoi ces quatre hommes ont-ils eu la volonté et la capacité de se fixer une limite, de rester fermes et de refuser de la franchir, alors qu’ils étaient soumis à une pression que la plupart d’entre nous ne peuvent qu’imaginer ?

L’explication se trouve dans ce qu’ils savaient de Dieu.

Trois fois dans ce premier chapitre, il nous est dit que « Dieu/Le Seigneur livra/accorda… » et ces mots sont la clé de la compréhension du chapitre.

Verset 2 : « Le Seigneur livra entre [les mains de Nebucadnetsar] Jojakim, le roi de Juda ».

Verset 9 : « Dieu accorda à Daniel la faveur et la compassion du chef des [eunuques] » (NBS).

Verset 17 : « Dieu accorda à ces quatre jeunes gens de la connaissance et de la perspicacité dans tout ce qui concernait la littérature et la sagesse ».

Dieu est aux commandes. Il contrôle les grands événements géopolitiques ; l’invasion et la victoire babyloniennes ont eu lieu parce que Dieu a donné cette victoire à Nebucadnetsar. Le Dieu qui leur avait donné de grandes bénédictions à travers l’histoire de Juda et au cours de leur vie était aussi le Dieu qui avait donné la victoire aux assaillants. Dieu était responsable de l’exil de son peuple, Dieu était responsable de la destruction de son temple. Nebucadnetsar s’en attribuait le mérite, mais c’est le Seigneur qui avait supervisé tout cela.

Et Dieu contrôle les interactions interpersonnelles et les résultats individuels. Imaginez la fin des trois années de formation, lorsque le roi ordonna que tous les étudiants, y compris nos quatre amis, lui soient amenés. Imaginez le chef des eunuques les présentant au roi, plein de confiance du fait de leur apparence et de leurs performances : Les voici, Votre Majesté. Le programme a connu un succès remarquable. Ils sont exceptionnels. Il suffit de les regarder et de les interroger. Vous pouvez voir qu’ils sont à l’aise avec leurs nouveaux noms. Ils maîtrisent bien notre littérature et notre philosophie. Au niveau de leur condition physique, ces quatre-là se distinguent. Ce programme de formation est une réussite incontestable.

Mais ce que le roi et son chef ne savaient pas, c’est que Dieu – le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob – était aux commandes. Dieu contrôlait le déracinement de Daniel, Hanania, Michaël et Azaria, Dieu supervisait leur rééducation, et Dieu leur accordait détermination et grâce pour prendre position. Dieu les avait conduits à Babylone ; Dieu était avec eux à Babylone ; et (comme nous le verrons) Dieu les utiliserait à Babylone.



Découvrez le livre de Alistair BEGG dans la boutique des Éditions Clé ou chez votre libraire habituel.

Vous aimez l'article ? Partagez-le sur un réseau social. Vous nous aidez ainsi à le faire connaitre ;)

Auteur de l’article : Éditions Clé

Éditions Clé

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *