Discussion avec Tim Keller – « Une espérance en ces temps troublés » (partie 3/4)


Timothy Keller, pour la radio Signpost. Vous pouvez consulter ici la version originale, en anglais, disponible à l’écrit et en audio.

La peur de la mort, la foi et l’espérance. Être un chrétien troublé ?

PARTIE 3 – Être régénéré ? Le scepticisme face à la foi ; la raison et l’expérience.

Lorsqu’on m’a annoncé que j’avais un cancer du pancréas, je dirais que j’ai ressenti un certain flottement dans ma foi.

Moore : L’une des choses que tu soulignes dans ton livre est que par résurrection, on ne parle pas de métaphore. Ce n’est pas du bien-être. Il ne s’agit pas, par exemple, des cycles de renouvellement dans la nature, mais d’une résurrection historique, corporelle, d’entre les morts. Tu commentes au début le grand livre de N.T. Wright, The Resurrection of the Son of God. Et je me demande, lorsque tu discutes avec un sceptique, ou quelqu’un qui n’est pas croyant et qui n’accepte pas les revendications du christianisme, est-ce que tu commences par la réalité historique de la résurrection et tu pars dans cette direction ? Ou bien tu t’adaptes au cas par cas, au fur et à mesure que tu discutes avec la personne ?

Keller : Oui, c’est cela. Le scepticisme, tu vois, j’en parlais justement avec ma sœur, qui a un petit-fils de 16 ou 17 ans qui commence à être sceptique. Sa mère est morte l’année passée, et il parle beaucoup du fait que la résurrection ne peut pas réellement avoir eu lieu. Il en parle à sa grand-mère, ma sœur, qui est chrétienne. Et il essaie d’argumenter « c’est impossible que la résurrection ait eu lieu ». Donc, c’est un exemple assez révélateur. Mais je ne pense pas qu’il faille argumenter pour ce genre de personne, tu ne pourras pas l’atteindre intellectuellement. Tu fais un peu de travail, mais tu réalises surtout que sa mère est morte l’année passée et qu’il se pose de vraies questions sur ces sujets. Et donc je pense qu’il faut être prudent. Si je vois quelqu’un qui paraît bien, assez confiant, et que là, il semble que son scepticisme soit surtout intellectuel… s’il a côtoyé beaucoup de sceptiques intelligents, mais pas beaucoup de croyants intelligents. S’il ne semble pas que son scepticisme soit alimenté par des abus dans le passé ou de mauvaises expériences dans l’église et d’autres choses de ce genre, j’irais probablement dans cette direction. Oui, je pense que j’irais expliquer la résurrection, à la lumière non seulement de Tom Wright, mais aussi d’autres personnes. Il y a énormément d’éléments intéressants à donner aux personnes réfléchies en ce moment ! Donc, si la personne semble avoir un esprit cartésien et ne paraît pas être poussée dans ses doutes par autre chose, oui, j’irais dans ce sens.

Moore : Tu as mentionné la tension  » déjà là mais pas encore « . Et l’un des sujets que tu abordes dans le livre est d’expliquer en quoi la régénération est fondamentale (j’essaie de me rappeler comment tu l’avais formulé) ; une réorientation radicale de la vie. Et l’une des choses que j’ai remarquée… Pour la petite histoire, au début de mon ministère, je pense avoir rencontré plus de gens qui étaient sceptiques sur la possibilité de la régénération parce qu’il leur était impossible de croire en la résurrection. Et maintenant, j’ai tendance à rencontrer plus de personnes qui sont l’inverse. Ils n’arrivent pas à croire à la résurrection de Jésus parce qu’ils n’ont plus la foi que la régénération pourrait être vraie, pour certaines des raisons que tu as mentionnées un peu plus tôt. Ils ont vu échouer des institutions dans lesquelles ils avaient confiance. Ils ont vu tomber des personnes en qui ils avaient vraiment confiance en tant que chefs spirituels. Et puis ils se regardent et se demandent : comment puis-je avoir une vie régénérée alors que je semble être si inchangé ? Quel mot aurais-tu à dire à quelqu’un qui a des difficultés à ce niveau ?

Si ton existentiel faiblit un peu, renforce ton rationnel. Si le rationnel ne t’emmène pas jusqu’au bout, et il ne le peut pas, prends l’existentiel.

Keller : Oui, c’est ça… Je veux dire, il n’y a aucun doute que, Russ, je dirais toujours aux gens que la foi est un mélange de raison et d’expérience. C’est-à-dire que, par exemple, si… imaginons que j’embauche un assistant. En principe, la façon dont j’embauche quelqu’un est de lui faire passer un entretien. Je vais regarder ses références. Je vais voir ce que les autres disent d’eux. Et dans un sens, ma décision de choisir le candidat B plutôt que le A ou le C est assez rationnelle. Mais c’est sans fondement. Et, honnêtement, c’est surtout de la probabilité. C’est dire : « Il est probable que ce soit la bonne personne ». Mais ensuite, je dois vraiment… je dois faire un pas de foi pour engager cette personne. Et dans un an ou deux, si la personne est vraiment compétente, alors je serai totalement sûr que c’était la bonne. Même si j’ai un modèle qui prend en compte ce genre de risque, bien sûr, et d’engagement. Maintenant, pour en revenir à Tom Wright… Il dit qu’en dehors des choses que tu peux prouver en laboratoire, tu sais, comme le composé A bout à cette température, à cette pression barométrique etc, c’est qu’en dehors de ça, on ne peut rien vraiment prouver. On ne peut rien prouver du tout dans l’histoire, si on parle de preuve à proprement parler. Mais, dit-il, quand il s’agit de la résurrection, il y a des tonnes de preuves, autant de preuves pour y croire que n’importe quel autre événement historique.

Pourtant, il est d’accord pour dire que c’est le fait d’y croire et d’aller vers Jésus-Christ sur cette base qui crée cet engagement et cette expérience où l’on passe du « je pense vraiment qu’il y a de très bonnes raisons de croire en cela » au « je sais que c’est vrai ». Je sais absolument que c’est vrai. Je pense donc que lorsque les gens constatent que leur expérience de la vie ressuscitée n’est pas très forte… D’une certaine façon, Russ, lorsqu’on m’a annoncé que j’avais un cancer du pancréas, je dirais que j’ai ressenti un certain flottement dans ma foi. Pourquoi ne l’aurais-je pas fait ? Et à ce moment-là, je suis retourné, pour ainsi dire, au rationnel et j’ai relu beaucoup de ce que Tom Wright a dit. Et cela m’a énormément aidé. Donc je pense que je dirais, tu sais, si ton existentiel faiblit un peu, renforce ton rationnel. Si le rationnel ne t’emmène pas jusqu’au bout, et il ne le peut pas, prends l’existentiel. Mais je dois vraiment dire quelque chose, en passant. Je dois dire (et c’est ce que j’ai fait) ; j’ai eu des gens qui m’ont dit qu’ils avaient quitté le christianisme parce qu’ils avaient, tu sais, ils allaient dans une église et ils ont découvert que le pasteur qu’ils admiraient vraiment avait une liaison, qu’il était un hypocrite complet, et c’était abusif, et ils sont parti. Et ce que je leur ai répondu… alors d’abord, je ne veux pas… je dois être prudent sur ce sujet. Si la personne elle-même a été victime d’abus, je ne ferai pas la même réponse. Mais si la personne est simplement désabusée, je lui demanderai : « d’accord, laisses-moi juste te poser une question. L’adultère de cette personne signifie-t-il que Jésus-Christ n’a pas pu être ressuscité des morts ? » Et ils diront : eh bien, non. Et en fait, non, bien sûr que non. Je veux dire, en d’autres termes, c’est un non sequitur de dire « eh bien, vu que mon pasteur était un hypocrite, Jésus ne peut pas avoir été ressuscité des morts. » Les raisons pour lesquelles Jésus est ressuscité des morts n’ont rien à voir, en fin de compte, avec la qualité de vie de chacun de ses disciples. Et j’ai dit à ces personnes : « vous devez vraiment vous poser la question, pourquoi ai-je été chrétien ou pourquoi suis-je allé dans cette église ? Est-ce que vous avez fait le dur travail de réfléchir à ces choses ou est-ce que vous avez juste été emporté par l’aspect social, vous savez, le côté communautaire ? » Et donc, je pense que tu dois faire des allers et venues, et ça dépend de chaque situation. Encore une fois, je suis content que tu l’aies souligné, c’est au cas par cas…

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Auteur de l’article : Éditions Clé

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