Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom par Florent Varak (extrait de Hors Contexte)


Nous reproduisons ici le chapitre 1 du livre Hors Contexte publié aux Éditions Clé

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Florent Varak est titulaire d’une maîtrise de théologie de Master’s Seminary (É-U) et d’un Master de recherche à la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine. Il a été pasteur pendant 25 ans de l’EPEVC, en région lyonnaise. Il accompagne maintenant une équipe de missionnaires et de pasteurs au sein de la mission Encompass World Partners. Florent enseigne à l’Institut Biblique de Genève et est l’auteur de nombreux ouvrages.


Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux.

Matthieu 18.20 – Colombe

C’est l’expression la plus fréquente des réunions de prière désaffectées. L’un des participants va inévitablement dire quelque chose du style : « Seigneur, tu dis que là où deux ou trois sont assemblés en ton nom, tu es milieu d’eux, alors nous te remercions de ce que tu es au milieu de nous, que nous pouvons compter sur ta présence, et que tu vas exaucer nos prières… ».
Cette prière est directement tirée de Matthieu 18.20. L’intention est louable. Les chrétiens se saisissent par la foi des promesses bibliques. Mieux vaut deux ou trois frères et sœurs qui prient avec cette petite erreur doctrinale, que des têtes justes dont le cœur est froid et qui ne prient pas.
Toutefois, il est préférable de se séparer de cette habitude pendant nos temps de prière. Elle communique à tort que la présence de Dieu est conditionnée au nombre de personnes présentes. Elle sous-entend que Dieu écoute davantage les prières formulées en groupe. Et enfin, elle trompe l’Église quant à la signification de ce verset. Ce texte affirme plutôt avec solennité que le Seigneur accompagne de son approbation les décisions de l’Église relatives à l’excommunication de l’un de ses membres, lorsque ce processus est juste.

Dieu est là

Dieu est là, que l’on soit seul ou en groupe (Jr 23.23-24), et il occupe tout espace sans aucune exception (Ps 139.7-10). Les théologiens parlent d’omniprésence :

Dieu n’a pas de dimensions spatiales et son être entier est présent en tous points de l’espace, cependant Dieu agit différemment en différents endroits.

Wayne Grudem, Théologie systématique, Charols : Excelsis, 2010, p. 171.

La distinction entre sa présence et son action est importante : sa présence au paradis aura des conséquences différentes de sa présence en enfer. De même, l’impact de sa présence est différent dans le cœur du croyant et dans celui du non-croyant. Puisque le chrétien est le temple du Seigneur (1Co 3.16-17 ; 1Co 6.19), il n’a jamais à demander ni à vérifier sa présence, ni à la conditionner à la présence d’autrui. Cette doctrine est importante pour notre sujet. Dieu est présent auprès de celui qui prie seul. Jésus prie seul sur une montagne (Mt 14.23), et il encourage à la prière personnelle discrète (Mt 6.6). Le prophète Daniel avait coutume de prier seul chaque jour (Dn 6.10 ; Dn 9.3, 23). Plutôt que de nous appuyer sur Matthieu 18.20, nous devrions confesser avec joie et avec foi que le Seigneur est avec nous « tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28.20).

Dieu est à l’écoute

Dieu écoute nos prières solitaires. Jésus encourage même à prier « dans ta chambre » avec la confiance que « ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6.6). Néhémie formule une prière individuelle, courte et spontanée (Né 2.4) dont l’exaucement sera salutaire pour tout Israël. En fait, les conditions d’exaucement de la prière ne sont pas liées au nombre de personnes qui prient. Il faut être l’enfant de Dieu (cf. Jn 1.12 ; 1Jn 3.1) pour pouvoir s’adresser à lui comme « notre Père qui est aux cieux » (Mt 6.9 – NEG). Il faut comprendre sa volonté et intercéder selon les préoccupations qui lui sont chères (1Jn 5.14-15). Il faut veiller à sa marche (Pr 15.29 ; Es 59.1-2) et particulièrement à la manière dont, messieurs, vous traitez votre épouse, car toute dureté à cet égard est clairement sanctionnée par le silence de Dieu selon 1 Pierre 3.7.

Alors que nous apprenons à demeurer en lui, le Seigneur se plaît à manifester sa présence (Jn 14.21). Dieu conduit et écoute la prière de ses enfants et l’exauce comme il l’entend. Ce n’est pas le fruit d’une solidarité à deux ou à trois personnes.

Dieu est solidaire

C’est là où nous entrons dans le vif du sujet. Voici le verset qui est mal cité :

Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux.

Matthieu 18.20 – Colombe

Le « car » nous renvoie à ce qui précède. Prenons du recul pour bien comprendre. Le chapitre 18 est le quatrième des cinq discours de l’Évangile selon Matthieu. Jésus parle pour la seconde fois de l’Église (Mt 18.17), dans laquelle on entre par conversion avec la disposition de cœur d’un enfant (Mt 18.1-3), dont on peut imiter l’humilité (Mt 18.4). D’ailleurs, ces petits ont du prix à ses yeux, et l’Église doit veiller à ne jamais les décourager ni à faire trébucher quiconque (Mt 18.5-11). L’Église doit se préoccuper des brebis qui s’égarent (Mt 18.12-14).

Puis vient notre section, conclue par le verset 20 :

Si ton frère a péché [contre toi], va et reprends-le seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. Mais s’il ne t’écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l’affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins . S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église ; et s’il refuse aussi d’écouter l’Église, qu’il soit à tes yeux comme le membre d’un autre peuple et le collecteur d’impôts. Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre aura été lié au ciel et tout ce que vous délierez sur la terre aura été délié au ciel. Je vous dis encore que si deux d’entre vous s’accordent sur la terre pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père céleste. En effet, là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux.

Matthieu 18.15-20

L’Église est une communauté solidaire. Lorsqu’une personne dérape, elle doit être reprise confidentiellement, et il convient de ne jamais en parler à d’autres quand cela s’accompagne de repentance (Sauf lorsque les faits reprochés exigent une dénonciation à l’autorité judiciaire, comme c’est le cas pour des actes pédophiles). Mais la confrontation doit aussi être encadrée : les « deux ou trois témoins » sont là pour vérifier que la confrontation est légitime. Ils disculperont le frère incriminé ou, au contraire, ils appuieront la demande de repentance. Là encore, toute repentance s’accompagne d’un silence protecteur à l’égard des tiers. Mais il arrive qu’un frère ou une sœur s’endurcisse durablement dans le péché, au point de ne pas entendre l’exhortation de l’Église (l’Église locale dans son ensemble ou représentée par les anciens, selon sa taille, et en fonction des circonstances de la situation), qui reconnaît cette personne comme non chrétienne. Jusqu’au retour du Christ, on ne saura pas si elle était une fausse chrétienne, ou un disciple qui a perdu, pour un temps seulement, son attachement à Christ. Dans les deux cas, elle doit se repentir et montrer le fruit de la repentance pour être de nouveau admise dans l’assemblée.

Toujours est-il que lorsque le processus est légitime (manifestement, le Seigneur de toute justice n’approuvera pas une excommunication injuste), le Seigneur l’appuie en prenant fait et cause pour son Église et ses responsables. C’est ainsi qu’Henry Bryant évoque le sens des verbes « lier » et « délier » du verset 18 :

Dans le contexte immédiat, les décisions prises par l’Église concernant le jugement des affaires présentées refléteront celles déjà prises au ciel (le sens du temps des verbes dans le grec).

Henry Bryant, Matthieu – Commentaire biblique, Lyon : Éditions Clé, 1986, p. 229.

Et ainsi

Carson résume bien le sens de ces versets :

Dans ce contexte, ces deux versets ne doivent pas être considérés comme une promesse concernant une prière pour laquelle deux ou trois croyants sont d’accord (Mt 18.20). L’Écriture est riche en promesses quant à la prière (Mt 21.22 ; Jn 14.13-14 ; Jn 15.7-8, 16) ; mais si ce passage traite de la prière, il est limité par le contexte et par l’expression peri pantos pragmatos (« quoi que ce soit »), qui devrait ici être rendue par « à propos de n’importe quelle affaire judiciaire » : le mot pragma a souvent ce sens (cf. 1Co 6.1 ; […]), un sens qui convient bien à l’argument de Matthieu 18.10.

Donald A. Carson, «Matthew», Expositor’s Bible Commentary, Volume 8,
Grand Rapids: Zondervan, 1984, p. 403.

Si vous avez pris l’habitude de citer Matthieu 18.20, remplacez-le plutôt par Matthieu 28.20 : « … je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » En fait, il s’agissait juste d’une erreur de 10 chapitres…

Copyright Editions Clé/Florent VARAK. Reproduction interdite.


Couverture du livre Hors Contexte

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Récension sur cet ouvrage :

Blog 7ici : https://librairie-7ici.com/blog/hors-contexte-n569

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Auteur de l’article : Éditions Clé

Éditions Clé

3 commentaires sur “Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom par Florent Varak (extrait de Hors Contexte)

    Pakret

    (01/06/2021 - 13:44)

    Bonjour, sur quels versets vous appuyez vous pourparler de la présence de Dieu en enfer : « sa présence au paradis aura des conséquences différentes de sa présence en enfer »

    florent

    (01/06/2021 - 15:27)

    Bonjour et merci pour votre question, très pertinente. IL y a deux manières de l’aborder. (1) de façon théologique – Dieu est omniprésent et il n’existe aucun espace ni aucune réalité où il serait absent. (2) avec Apocalypse 14.9-10 « 9 Un autre, un troisième ange les suivit, en disant d’une voix forte : Si quelqu’un se prosterne devant la bête et son image, et reçoit une marque sur le front ou sur la main, 10 il boira, lui aussi, du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange dans la coupe de sa colère, et il sera tourmenté dans le feu et le soufre, devant les saints anges et devant l’Agneau. ». Cordialement, Florent Varak

    Pascal Vermes

    (22/02/2024 - 22:18)

    Merci Florent pour ce recadrage qui nous invite à ne pas utiliser les versets bibliques comme des mantras « magiques ».
    Pourtant, je trouve que la phrase suivante de Jésus reste fondamentale et sans doute plus générale dans son application. Si Dieu est partout, Jésus lui est avec ses disciples. Il y a dans ce passage, d’un côté le Père céleste devant qui les anges se trouvent, et puis Jésus qui est au milieu de ses disciples. Jésus annonce ici sa présence à venir selon Matt 28.20
    Il apparaît que ceux qui se réunissent en son nom (pour mon nom selon NBS), Jésus accordera une présence particulière. Il me semble que nous avons là une actualisation du Ps 133.3 à la nouvelle alliance.

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